Une autobiographie congolaise mouvementée

Les Éditions Mennonites ont récemment publié l’autobiographie de Mulanda Jimmy JUMA, un chrétien congolais au parcours remarquable dans un contexte dramatique.

Le livre raconte l’histoire de Mulanda, né en 1973 sur les berges d’un lac à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Pour échapper aux milices qui se battent, il vit caché avec sa famille dans une maison en herbe au milieu des roseaux, entouré par une insécurité permanente. En 1996, sous les balles et les bombes, il s’enfuit en Tanzanie, au début de ce que l’on nommera la première guerre mondiale africaine qui causera la mort de six millions (oui, six millions) de personnes et le déplacement de 10 millions d’habitants. C’est alors que l’eau du lac Tanganyika est rouge de sang… Il erre ensuite à travers plusieurs pays (Tanzanie, Malawi, Mozambique) pour se réfugier en Afrique du Sud. Là, Mulanda connaît l’apartheid et le racisme dans l’Église et à l’université, échappe à la mort face à des gangs s’en prenant aux réfugiés, comme lui…

En Afrique du Sud, il entend pour la première fois parler du Mennonite Central Committee (MCC) et participe à un programme de guérison des traumatismes. Il écrit :

« Je découvre que je porte ce bagage de traumatismes depuis longtemps. Je pleure littéralement pendant cette formation en partageant mes histoires, des histoires douloureuses. Tout le groupe vient vers moi, m’embrasse et me soutient. Je me sens soulagé à partir de là, j’ai vraiment l’impression qu’un poids a disparu. »

Ce processus de guérison permet à Mulanda de surmonter son désir de vengeance, après avoir tant souffert et après avoir vu tant d’horreurs. Il va se former dans le domaine de la construction de la paix, au niveau relationnel et politique, jusqu’à l’obtention d’un doctorat en Italie, et devenir un agent de la paix auprès d’organismes comme le centre Dag Hammarskjöld en Zambie (du nom d’un ancien secrétaire général de l’ONU, mort dans un accident d’avion en 1961) ou comme le Mennonite Central Committee, dont il deviendra le représentant en RDC, pour servir son pays, puis le représentant pour le Burundi et le Rwanda, sa fonction actuelle. Il intervient aussi dans plusieurs pays à travers le monde, en tant que spécialiste des processus d’élections ou comme médiateur entre gouvernement et groupes paramilitaires en Colombie…

Le livre commence par la description du travail de Mulanda dès 2017 pour le MCC. Puis on remonte à son enfance mouvementée, à sa jeunesse en fuite, à l’étape importante de l’Afrique du Sud pour arriver à ce ministère aux dimensions internationales. Le livre se termine par un chapitre intitulé « Les racines et les ailes d’un bâtisseur de paix », où l’auteur décrit l’importance de ses parents dans la construction de son identité et de son futur engagement, l’importance de rencontres déterminantes dans son parcours, et l’importance de la foi en Dieu qui l’a soutenu.

Une originalité du livre est à signaler : des encadrés explicatifs ponctuent le récit raconté à la première personne par l’auteur ; ils donnent des clés de compréhension très utiles, en particulier au lecteur européen, en matière de (géo)politique, d’économie, d’histoire de la RDC et du sud du continent africain. Ces encadrés ont été rédigés par Daniel Goldschmidt, membre du comité des Dossiers de Christ Seul.

Le livre se lit facilement, parce que le parcours de Mulanda est dramatique, phénoménal et finalement heureux. Pour nous Européens, ce récit nous ouvre à des réalités que nous ignorons ou que nous oublions, celles d’un grand pays africain qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui subit la corruption et le pillage systématique de ses ressources, au prix de conflits armés quasi permanents.  

Pour quiconque se demande ce que peut signifier s’engager au service de la paix au nom du Christ, une conviction éthique chère entre autres aux mennonites, ce récit est édifiant et inspirant.

J’ai eu le privilège d’échanger une fois par Zoom avec Mulanda ; je n’oublie pas la chaleur de la rencontre, l’humilité de sa personne, le large sourire, l’attention portée, la tranquille détermination… Toutes qualités d’un bâtisseur de paix…

Michel Sommer

 

Pour aller plus loin…

Mulanda Jimmy JUMA, L’eau du lac était rouge – Un bâtisseur de paix congolais au cœur des guerres, Dossier de Christ Seul 1/2023, Editions Mennonites, 96 pages, 11 €. A commander sur : https://www.editions-mennonites.fr

 Rencontrer l’auteur?

 L’auteur donnera une conférence sur zoom le 29 juin 2023 de 19h-21h (heure de Paris). La conférence est gratuite, l’inscription se fait sur le site de justice et paix.