En mission: avec et sans les médias

« “(…) cette découverte géniale vient à son heure dans le plan du salut du monde. Tout ce qui permet de prêcher l’Évangile à toute créature doit être cher aux chrétiens.” »

Cette citation pourrait désigner les réseaux sociaux numériques (3,2 milliards d’usagers selon l’étude Hootsuite 2018) ou le web (4 milliards d’internautes, 7% de plus qu’en 2017). Elle concerne en fait un média plus ancien, mais encore utilisé en moyenne mondiale durant plus de 3 heures chaque jour: la TV. C’est en 1948 lors de la première messe télévisée au monde, à Noël, que l’archevêque de Paris a présenté dans les termes ci-dessus ce que le petit écran pourrait apporter.

 Grâce à tous les médias - affichage, presse, radio, cinéma, télévision, web, réseaux sociaux - il est possible d’atteindre un large public pour proposer un message, une nouvelle, une Bonne Nouvelle.

Une partie du message médiatisée, l’autre pas

Tout à la fin de la Bible, la 2ème lettre de Jean est un exemple de transmission rapide d’un message important avec un média très performant il y a 2’000 ans: un bref texte rapidement transporté pour être lu aux personnes concernées (le courrier électronique de l’époque?). A la fin de cette courte missive, le verset 12 précise: “J’ai beaucoup de choses à vous écrire, mais je n’ai pas voulu le faire avec le papier et l’encre. J’espère venir chez vous et vous parler de vive voix afin que notre joie soit complète.”

L’auteur utilise un média pour une partie du message qu’il souhaite transmettre. Il choisit de réserver une autre partie à communiquer sans média, en direct. Pour favoriser l’interaction la plus libre et complète, aujourd’hui comme il y a 2000 ans, rien ne doit ni ne peut remplacer la rencontre réelle. Il est toujours primordial de rejoindre l’autre en se déplaçant, de partager écoute et prise de parole face à face, dans un espace-temps commun, “afin que notre joie soit complète” (1 Jean 12).

Mais on peut donc aussi proposer une partie d’un message à travers les médias, être en mission avec eux, pour transmettre ce qui peut l’être par ces intermédiaires, en utilisant les possibilités techniques et les langages à disposition. Tout en visant le complément indispensable, mission sans médias cette fois, pour privilégier une véritable communication - communion, pour passer du temps ensemble: “Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous.” (1 Jean 1.3)

Opportunités, dangers et pistes constructives

Des chrétiens ont été pionniers dans l’usage des nouveaux médias: Bible imprimée au 15è siècle, lanterne magique utilisée pour le catéchisme au 17è siècle, films au cinéma à propos du christianisme (sans représenter le Christ au début), puis émissions radio et TV qui évoquent l’Évangile dès le 20ème siècle.

Avec internet et les réseaux sociaux, beaucoup de nouvelles opportunités s’offrent: pour moins de 1’000 Euros, il est possible de créer une chaîne TV (avec outils de production et de diffusion, tout compris). Réaliser et mettre à disposition du contenu est une chose; toucher une audience et interagir avec elle en est une autre. Sur Youtube par exemple, 300 nouvelles heures de vidéos sont proposées chaque minute!

Les médias ont été utilisés pour chercher à manipuler des audiences, notamment par des affiches et films de propagande, par des campagnes de dénigrement, ou par des messages publicitaires non présentés comme tels. Dans le cadre d’une mission avec médias, comment chercher à convaincre l’audience tout en respectant sa liberté? Une clé est de différencier argumentation et manipulation. Une autre est une question à se poser à chaque étape, de l’élaboration du message à sa mise à disposition médiatisée: comment proposer avec conviction, sans imposer avec prétention?

Les technologies actuelles favorisent la production et la diffusion d’un foisonnement d’informations, de divertissements et de publicités, au risque de submerger les usagers dont l’attention est constamment sollicitée. Les grands acteurs des réseaux sociaux et des moteurs de recherche programment leurs plateformes pour filtrer les contenus afin de satisfaire l’audience, qui peut se retrouver peu à peu enfermée dans une sorte de bulle. Pour éviter d’amplifier ces phénomènes, il est bon de parler peu mais bien, dans un langage adapté. Un modèle à suivre, un Maître: Jésus, qui, en situation de communication de masse (face à la foule), recourait aux paraboles, récits incisifs, concrets et profonds, à même de questionner l’audience sans la manipuler.

Pour faire passer un message à travers un média de nos jours: viser toujours une communication concise, claire, concrète, pertinente et constructive. Important également de questionner les contenus (qualité de ce qui est proposé à lire, voir, entendre) et les contenants (qui détient le pouvoir du média utilisé, qui donne la parole, à qui, pour quoi et pourquoi?). Utiliser de manière exemplaire les médias (avec équilibre, en prenant en compte les limites et contraintes) participe sans doute aussi à la mission, comme producteur et diffuseur de messages. Une contribution sur le plan de l’éducation aux médias en faveur de l’audience est également un apport important, pour favoriser une distance critique et un usage optimal des technologies de l’information et de la communication.

Questions clés pour choisir un média

Les médias, par définition, constituent un intermédiaire entre émetteur et récepteurs. Ils sont des canaux qui véhiculent une information en la connotant:

  • par leurs limites: des médias véhiculent de l’audio et/ou du texte, de l’image fixe ou animée; les genres et les durées sont souvent fixes;
  • par leurs codes: le même message est reçu différemment en fonction de la forme et du cadre utilisés (une publicité? une information? une fiction?);
  • par leur notoriété: le baromètre 2018 de la confiance des Français dans les médias indique que la radio reste le média jugé le plus crédible, suivi par la presse et la télévision; internet recule en confiance et en usage sur le plan de l’information; la marque de l’émetteur compte également (la même information publiée par Arte ou TF1 peut être reçue différemment).

Il s’agit donc de bien choisir, en fonction du fond à proposer et à partager, quelle forme pourrait le mieux convenir à la communication médiatisée. La primauté de la parole, au centre de la révélation biblique, peut servir de base; quand cela est pertinent, un usage prudent et réfléchi de l’image, qui a tendance à s’imposer en réduisant l’espace de liberté des récepteurs, peut se révéler utile.

Autre élément à prendre en compte: la dimension financière. La radio reste un média très bon marché du côté des usagers. A l’opposé, une présentation multimédia interactive avec vision en 360 degrés, novatrice et intéressante en soi, pourrait nécessiter un matériel récent et une connexion rapide, donc un investissement conséquent.

Média tiers ou propre média

Une option: des chrétiens mettent en place un média qu’ils utilisent pour transmettre ce qu’ils souhaitent.

Avantage: la maîtrise de l’outil et de ses contenus.

Inconvénient: il faut gagner l’audience alors que le média, plus ou moins connoté, peut constituer un frein.

Conseils: Pour développer un média de qualité, il vaut la peine de prendre en compte les règles qui ont fait leur preuve (quitte à les dépasser, une fois qu’elles sont maîtrisées): quelle déontologie journalistique? quelle grammaire de l’image? quels registres de langages?


Autre option: proposer de l’information à un média existant.

Avantage: rejoindre une audience déjà au rendez-vous.

Inconvénient: la maîtrise est du côté du média émetteur et non de la personne ou de l’entité qui témoigne par exemple.

Conseils: Pour se profiler comme interlocutrice/teur de référence, il est bon d’apprendre à connaître les besoins des journalistes, les exigences des grilles de programmes et de se poser deux questions fondamentales: qu’est-ce qui va intéresser l’audience, et comment le raconter en histoire?

En mission… pour les professionnel.le.s des médias?

Finalement, un mot pour encourager à… encourager. Les journalistes (quelque 36’000 en France, 6’000 en Suisse) exercent une profession mal reconnue, souvent critiquée, précaire et stressante. Pourquoi ne pas contacter un.e journaliste et lui proposer un café et un bref échange, en vue de mieux connaître son métier. Lui demander notamment pourquoi elle ou il a choisi ce métier (souvent, avec l’idéal de rechercher la vérité et de la faire connaître), quelles sont ses joies et ses peines, et éventuellement ce qui pourrait l’intéresser (ou pas) de la part de chrétiens? Un contact direct, en dehors de toute pression (en vue d’obtenir une publication par exemple), est l’occasion de faire baisser les préjugés… de part et d’autre!

Pour se préparer à un dialogue ouvert avec un.e journaliste, ou pour se donner les moyens de produire soi-même un travail journalistique de qualité, la lecture des chartes en vigueur est éclairante: “Déclaration des devoirs et des droits des journalistes” en France, “Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste” en Suisse.

Deux conseils Bible en mains pour conclure:

« “En disant la vérité dans l’amour” (Ephésiens 4.15) »

Un objectif pour toute forme de communication. Donc, veiller avec soin aux informations transmises (vérification, citation des sources), et prier en pensant à l’audience et à ce qui pourra être en bénédiction pour elle.

« “Soyez toujours prêts à défendre l’espérance qui est en vous, devant tous ceux qui vous en demandent raison.” (1 Pierre 3.15) »

 

Donc, chercher à connaître l’audience, ses questions et ses besoins, pour proposer une réponse adaptée, plutôt que d’asséner des “vérités toutes faites”.


Pour en savoir plus:

Déclaration des devoirs et des droits des journalistes” en France

Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste” en Suisse

État des lieux 2018 (étude Hootsuite): l’usage d’Internet, des réseaux sociaux et du mobile en France

Baromètre 2018 de la confiance des Français dans les médias

Créer sa WebTV pédagogique (300 heures de nouvelles vidéos chaque minute sur Youtube)

Ressources pour réfléchir aux médias et mieux en profiter

 

 Pierre-André Léchot est un intervenant du programme FBSE (ci-dessous). Il est à disposition pour des informations et formations dans le domaine de la communication et des médias: mailto:pierre.andre.lechot@gmail.com