Denis Kennel

Du nouveau sur la formation anabaptiste en ligne

Bien avant la Covid-19, la réflexion s’est amorcée entre diverses institutions offrant des formations théologiques et bibliques anabaptistes, en vue de pouvoir offrir une formation anabaptiste francophone en ligne. Un tel outil, en effet, n’existait jusque maintenant pas encore…

En 2014, lors de la consultation sur la formation théologique dans un cadre anabaptiste-mennonite, à Kinshasa, la décision a été prise de remédier à ce manque. C’est ainsi qu’en 2017, plusieurs de ces institutions se sont réunies au sein d’un consortium dans l’objectif d’établir un partenariat pour développer et mettre à la disposition des institutions de formation théologique francophones des formations spécifiquement liées à la théologie anabaptiste, concernant la paix, la justice et la réconciliation.

Le Centre de Formation à la Justice et à la Paix (CFJP) a ainsi vu le jour, hébergé par l’Université de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan (UACA), dont le profil était le plus adapté pour encadrer ses activités. Parmi les partenaires figurent notamment l’École de Théologie Évangélique du Québec (ETEQ), le Centre Universitaire de Missiologie (CUM) de Kinshasa, l’Université Chrétienne de Kinshasa (UCKIN), le Centre de Formation du Bienenberg (CeFor), le Centre mennonite de Paris (CMP), le Réseau mennonite francophone (Rmf), et bien d’autres encore.

2021-01-12_060816.jpg

Le premier fruit de cette collaboration est la création d’un cours pilote que nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui : le cours Leadership, paix et réconciliation, qui se déroule du 11 janvier au 3 avril, et qui porte sur les diverses catégories de conflits et leurs impacts sur leurs contextes, pour outiller les leaders en vue de développer de nouvelles approches créatives pour développer la paix, le shalom divin dans leurs communautés.

Les thèmes abordés sont les suivants :

  • Leadership et gestions des conflits

  • L'éthique anabaptiste, la paix et l'Église

  • Perspectives bibliques sur la paix et le shalom

  • Genre et transformation des conflits

  • Ethnicité, culture et conflit

  • La politique, la théologie et la réconciliation

  • La justice réparatrice

Plus de détail dans le flyer ci-joint.

Ce premier cours est destiné aux étudiants en master et doctorat, sur une base de 10 séances hebdomadaires par Zoom de 90 minutes, les devoirs et discussions de groupe seront déployés en ligne.

Proposé par le CFJP, il est organisé par l'Université de l'Alliance Chrétienne d'Abidjan (UACA), le Centre Universitaire de Missiologie de Kinshasa (CUM), l'Université Chrétienne de Kinshasa (UCKin) et l'École de Théologie Évangélique du Québec (ETEQ).

Les inscriptions se font directement par les administrations des écoles concernées :

http://uaca-edu.org

https://ucemis.academy

https://uckin.net

https://www.eteq.ca

Des lunettes anabaptistes pour lire la Bible?

Quelles sont, en matière d’interprétation biblique, les spécificités d’une approche anabaptiste ? Ou bien : existe-t-il des lunettes anabaptistes pour lire la Bible ?

Répondre à cette question n’est pas si simple. En effet, si on s’en réfère aux étapes « classiques » de l’interprétation biblique – observer le texte, l’expliquer en tenant compte de son contexte historique et littéraire, de son genre littéraire, à la lumière des autres textes bibliques s’y rapportant, etc. –, on pourrait être tenté de conclure qu’une lecture anabaptiste ne diffère guère, puisqu’elle intègre les mêmes éléments. C’est vrai. Cependant, elle comprend aussi certaines particularités qui méritent d’être relevées, car elles confèrent l’une ou l’autre couleur à ses lunettes.

Des précisions en Christ

            « Je ne suis pas venu pour abolir [la Loi], mais pour [l’]accomplir », a dit Jésus (Mt 5.17). Il indiquait en cela que si la première alliance gardait son importance, il n’y en avait pas moins avec et par lui des choses qui s’étaient précisées, développées, qui étaient arrivées à maturité (le sens du terme « accomplir »). C’est à partir de là qu’une lecture anabaptiste de la Bible insiste particulièrement sur trois aspects :

  1. il y a matière à parler d’un « canon dans le canon »

  2. la Bible doit être interprétée de manière « christocentrique » et

  3. en tant que révélation progressive, c’est-à-dire en tenant compte de sa « trajectoire rédemptrice ». Les expressions sont un peu complexes, nous allons les expliciter.

Un canon dans le canon

Par « canon dans le canon », on comprend (dans une perspective anabaptiste) que les Évangiles, qui relatent la vie, l’œuvre et l’enseignement de Jésus, jouent un rôle central dans toute interprétation. Ce ne sont pas uniquement le sacrifice à la croix et la résurrection du Christ qui comptent, aussi importants soient-ils, mais encore son exemple, sa vie, ses actions, ses paroles, ses attitudes, etc. Le Christ des Évangiles, « tout » le Christ, révèle le cœur et le projet de Dieu pour l’humanité. C’est pourquoi non seulement l’Ancien Testament doit être lu et interprété à la lumière du Nouveau, mais encore, dans ce Nouveau, les Évangiles forment la référence ultime. De là découle le deuxième aspect.

Interprétation christocentrique

La Bible doit être interprétée de manière « christocentrique ». La pointe ici est l’affirmation selon laquelle l’interprétation la plus juste d’un texte est celle qui se réfère de la manière la plus évidente à la mémoire de Jésus le Seigneur. Christ est la révélation parfaite de Dieu. Toute interprétation d’un texte se doit donc être en cohérence avec sa personne, sa vie, son enseignement, son œuvre. Le Sermon sur la montagne (Mt 5-7) occupe ici une place particulière. C’est pourquoi, par exemple, parce qu’une telle lecture s’opposerait à l’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis (Mt 5.44), il ne saurait en aucun cas être juste de légitimer le recours à la violence à partir de certains textes de l’Ancien voire du Nouveau Testament. Nous en arrivons au troisième aspect.

En fonction de la trajectoire rédemptrice - Shalom

La Bible doit être interprétée en tenant compte de sa « trajectoire rédemptrice ». Le Christ est venu instaurer son Royaume, en poser les fondements. Mais ce Royaume ne sera jusqu’à son retour toujours qu’en cours de réalisation. Le plein accomplissement est encore à venir. Le projet du Royaume se résume en un mot : le Shalom, état de bien-être, santé, abondance, sécurité, etc., tel que celui-ci peut exister lorsque les humains vivent dans des relations justes vis-à-vis de Dieu, les uns vis-à-vis des autres, et vis-à-vis de la création. La trajectoire qui se dessine, pour conduire à la réalisation de ce Shalom dans l’histoire humaine, intègre une justice divine visant en premier lieu la restauration des relations, la réconciliation. C’est-à-dire une justice qui, si elle n’exclut pas de « réparer » lorsque c’est possible, reste toujours au service de la paix et de la guérison (la justice « supérieure à celle des scribes et des pharisiens » dont parlait Jésus, cf. Mt 5.20). Concernant l’interprétation biblique, cette « trajectoire rédemptrice » devient le guide pour lire les textes le plus justement possible : on ne peut tirer d’un passage une application qui ne s’inscrirait pas voire serait contraire à l’accomplissement visé, à savoir la réalisation (dès maintenant et encore à venir) du Shalom dans toutes ses dimensions. 

La communauté

À ces trois aspects s’ajoutent encore, dans une lecture anabaptiste, deux insistances particulières. L’importance, d’abord, de la communauté. Pour les anabaptistes, le fait d’être membre d’un corps, le corps de Christ, concerne aussi la manière d’interpréter la Bible et de l’appliquer.

Sous la direction du Saint-Esprit, nous avons besoin les uns des autres pour tester nos compréhensions, les vérifier, peut-être les corriger, recevoir d’autres éclairages.

Cette interprétation communautaire se vit à différents niveaux, de l’Église locale à la communion de l’Église mondiale et dans l’histoire. Surtout, elle forme un cadre – un garde-fou – pour l’interprétation personnelle. L’application, ensuite. Le processus d’étude de la Parole a pour but de nous aider à être (plus) fidèles à Jésus, à lui ressembler toujours davantage tel qu’il s’est révélé et dans la perspective de la réalisation de son Shalom. Ainsi, disent les anabaptistes, les applications que nous tirons de nos interprétations sont autant de critères pour juger de la justesse de celles-ci. En d’autres termes : si notre ou nos interprétations conduisent à des attitudes qui ne manifestent pas ou moins la justice et le Shalom du Royaume, c’est qu’elles ne sont a priori pas justes.

Conclusion

Alors, avec ce que nous avons vu, existe-t-il des lunettes anabaptistes pour lire la Bible ? Oui, sans aucun doute, même si leur couleur se retrouve assurément au moins en partie aussi dans d’autres traditions. Cependant, par les accents qu’elles mettent en avant, ces lunettes méritent entièrement d’avoir leur place dans la grande famille des « opticiens bibliques ».


Avez-vous déjà entendu parler des Études Francophones de Théologie Anabaptiste? L’année actuellement en cours porte sur la Bible dans une perspective anabaptiste et décline ces idées de multiples manières.

Dieu et nos erreurs. Quelques leçons de vie...

Une chose m’interpelle toujours à nouveau : la capacité qu’ont certains aînés à regarder en arrière et à se dire :

« Certes, tout n’a pas été parfait dans nos vies, nous avons fait des erreurs, mais Dieu s’en est servi pour nous faire avancer dans notre marche avec lui. »

Quelle belle leçon de vie, quelle leçon apaisante, surtout ! Alors que je rencontre parfois dans ma pratique pastorale des personnes qui n’arrivent pas à trouver la paix par rapport à leurs échecs et déceptions passés, je me dis qu’il y a là, chez ces aînés, une formidable force.

Le patchwork du séjour senior 2019.

Le patchwork du séjour senior 2019.

Depuis plusieurs années, dans le cadre de notre « séjour seniors » au Bienenberg, nous avons la chance de pouvoir profiter des talents d’une artiste qui illustre le thème de notre séjour par l’un de ses patchworks. Vous découvrez ci-dessus celui de l’édition 2019. Rien ne choque, à première vue… Il y a pourtant une erreur. Regardez l’escalier : au lieu de descendre, il monte. Du coup, la perspective ne correspond plus. L’auteur m’a dit :

« Tu vois, Denis, il y a une erreur. Pourtant, est-ce qu’on ne peut quand même pas le regarder, ce tableau ? Après tout, le résultat final n’est pas si mal que ça, ou bien ? N’est-ce pas une belle illustration de la manière dont Dieu peut faire du beau, même avec les erreurs de nos vies ? »

La Bible est remplie de nos erreurs, et de la manière dont Dieu a fait et continue à faire du beau avec. Un des exemples les plus parlants est de mon point de vue la vie du roi David. Je mentionne quatre situations :

  • 1 S 27.1-12 ; 29.1-11 : David, sans consulter Dieu se réfugie chez les Philistins, les ennemis d’Israël. Il se retrouve à devoir tromper Akish, se voit même enrôlé dans l’armée philistine, contre Israël. Mais Dieu conduit les choses : la méfiance des princes philistins provoque son éviction de l’armée. La leçon semble avoir porté du fruit puisqu’au chapitre suivant, lorsqu’il s’agit d’aller délivrer les familles israélites faites prisonnières à Tsiqlag, le futur roi prend cette fois le soin de consulter l’Éternel (1 S 30.6-8).

  •  En 2 S 6.1-23 (et par. 1 Chr 13.1-14 ; 15.1-29), le transport de l’arche de l’alliance se termine par un drame, la mort d’Uzza. La faute en incombe particulièrement à David qui, sans doute par négligence, n’a pas organisé ce transport selon les instructions de l’Éternel. Mais lorsque le roi se reprend, fait les choses selon les ordonnances divines, Dieu approuve la démarche et répand sa bénédiction sur le peuple.

  •  En 2 S 7.1-17 (et par. 1 Chr 17.1-14 ; 22.6-10 ; 28.2-3), David veut construire un temple à l’Éternel, mais Dieu refuse car il n’a pas été un homme de paix. Le roi doit comprendre que ce n’est pas lui qui construira une maison à l’Éternel mais le contraire (« l’Éternel te bâtira une maison », 2 S 7.11). Il se soumet admirablement et le temple sera construit par son fils, Salomon, dans toute la gloire qu’on lui connaît.

  •  En 2 S 11.1-26 ; 12.1-24, enfin : le péché de David, d’adultère et de meurtre. Le jugement divin s’abat sur lui, manifesté par la mort de l’enfant né de son union avec Bath-Shéba, la femme d’Urie qu’il a fait tuer. Mais David entre dans un chemin de repentance. Dieu fait alors du beau : de Salomon, le deuxième fils qu’il aura avec Bath-Shéba, il est dit que « l’Éternel l’aima ». Plus encore, c’est de cette descendance sera issu le Messie. Quant à « la femme d’Urie », elle sera l’une des trois femmes à être nommée dans la généalogie de Jésus-Christ (cf. Mt 1.6).

Autant d’exemples – et il y en aurait bien d’autres dans la Parole – illustrant la manière dont Dieu compose avec nous et reste fidèle, en dépit de nos erreurs et nos manquements… Comme il est bienfaisant de pouvoir revisiter son passé en se disant :

« Oui, tout n’a pas été parfait, j’ai fait des erreurs, mais Dieu en a tiré du beau. »

Vous êtes intéressés d’en savoir plus ? Alors, si le cœur vous en dit, venez nous rejoindre au séjour seniors. On accepte aussi des plus jeunes !


 

Dieu et nos erreurs. Leçons de la vie de David

Séjour seniors au Bienenberg, du 12 au 17 mai 2019 (arrivée le dimanche en fin d’après-midi, départ le vendredi vers 15 heures).

Renseignements et inscriptions sur fr.bienenberg.ch/sem/sejour-seniors-2019.