Justice et paix

Grandir en caractère

Une interview d’Alexandre Nussbaumer qui permet de mieux comprendre ce qu’est-le caractère en spiritualité chrétienne.

Alexandre Nussbaumer, es-tu un homme de caractère ?

Je l’espère ! Mais à une telle question, ce sont mes proches qui devraient répondre.
Jésus a demandé à ses disciples : « Et pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16.15). C’est Pierre qui va affirmer « Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16). Ainsi, « qui suis-je ? » est directement en lien avec l’empreinte que je laisse sur la vie des autres et qu’ils sont mieux à même d’exprimer.

Comment définir la notion de « caractère » en théologie ?

Partons d’une définition simple du caractère comme « manières habituelles de se comporter, de réagir[1]. » Le niveau des comportements représente la partie émergée, visible, de l’iceberg caractère. Descendons un peu plus profondément, avec la définition qu’en propose le philosophe Paul Ricœur : « le caractère c’est toujours ma manière propre de penser, non ce que je pense. […] pouvoirs, motifs, vouloir, tout en moi porte la marque d’un caractère[2]. » Ainsi, le caractère s’exprime dans ma manière d’être présent au monde, à moi-même, à Dieu. La théologie va s’intéresser à l’action de Dieu au sein de cette structure plutôt stable. Comment la vie de Jésus peut-elle amener quelqu’un à une nouvelle manière de vivre ? Comment Paul peut-il écrire aux Galates : « … ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Car ma vie humaine, actuelle, je la vis dans la foi du Fils de Dieu… » (Ga 2.20) ?

À quoi ressemble une personne de caractère ?

Le caractère a quelque chose à voir avec les notions d’intégrité et de constance. Une personne de caractère montre le même visage dans toutes les situations.

L’éthique chrétienne n’est-elle pas là pour nous aider à différencier entre ce que les chrétiens doivent faire et ce qu’ils ne doivent pas faire pour respecter la volonté de Dieu ?

Faire/ne pas faire est l’approche privilégiée d’une focale ciblée. L’éthique du caractère propose une focale large, elle s’intéresse davantage au registre être/ne pas être. Plutôt que de demander : « ai-je droit de faire telle chose ? », elle demandera : « quel genre de personne vais-je devenir si je fais telle chose ? » Lorsque Paul écrit aux Corinthiens « Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’est pas constructif » (1 Co 10.23), il inscrit « permis/pas permis » dans une perspective plus large : qu’est-ce que je construis au juste ? On a parfois besoin d’une focale courte, parfois d’une focale plus large.

Quelle est la place de la Bible et de la prière pour construire le caractère chrétien ?

Elles en sont des piliers essentiels. Un caractère s’appuie sur plusieurs piliers. Notamment un récit/histoire qui permet d’incorporer le temps. Par exemple, Abraham, Moïse, Daniel, Jésus, Paul, Pierre, les martyrs de l’Apocalypse adorent Dieu seul et refusent d’adorer un pouvoir humain. Cette répétition permet au lecteur de comprendre qu’adorer Dieu seul est au cœur du caractère chrétien et que cela peut aller jusqu’à coûter la vie. Un caractère se construit aussi par l’acquisition de compétences qu’on appellera vertus ou encore habitudes opératives. La prière est une vertu essentielle. Agir en chrétien ne peut se faire qu’au travers d’elle.

Quelles sont les conséquences d’un manque de caractère ?

L’hypocrisie (littéralement, se cacher sous un masque), la séduction ou la flatterie, la tromperie, l’opportunisme. Ce sont des manières d’être piloté davantage par le bénéfice escompté d’une situation que par un fond intègre et constant.

Comment grandir en caractère chrétien ?

Suivre la formation « Chrétiens de caractère » proposée prochainement par le Bienenberg à Tavannes est une bonne première proposition ! Pour ceux plus avancés, Dietrich Bonhoeffer recommandait aux étudiants de son séminaire de commencer toutes leurs journées par une heure de prière. Grandir en caractère chrétien, c’est laisser Dieu imprégner toute notre personne et cela passe par une forme d’abandon confiant en Dieu.

Quel lien vois-tu entre l’éthique du caractère et la théologie anabaptiste ?

Dans cette ligne du caractère, Hauerwas énonce que la tâche de l’éthique théologique est « d’énoncer le langage de la foi en termes de la responsabilité chrétienne d’être formé en la ressemblance du Christ[3]. » Une conviction très anabaptiste ! Un abandon confiant en Dieu ? Voilà une bonne définition de la Gelassenheit anabaptiste. L’insistance de l’éthique du caractère sur la vision, sur la communauté, sur le récit, fait écho à des convictions centrales de l’anabaptisme sur l’eschatologie, la discipline d’Église et le sermon sur la montagne. Ainsi l’éthique du caractère peut être utilisée comme une grille de lecture de l’anabaptisme.

Pour aller plus loin

Découvrez la formation « Chrétiens de caractère », démarrage le 5 octobre 2024 à Tavannes, BE (Suisse)

[1] François Lelord, Christophe André, Comment gérer les personnalités difficiles, Paris, O. Jacob, 2010, p. 10.

[2] Paul Ricœur, Philosophie de la volonté 1. Le volontaire et l’involontaire, Paris, Aubier, 1949, p. 344-345.

[3] Stanley Hauerwas, Vision and Virtue. Essays in Christian Ethical Reflection, Notre Dame, Fides Publishers, 1974, p. 29.

Le soin de la création, juste un effet de mode ?

Un article de Clément Blanc, pasteur et ambassadeur A Rocha.

Au regard de l’omniprésence de l’écologie dans le discours public, par les médias, les politiques, ou les publicitaires, on peut se sentir submergé et parfois espérer que le sujet soit mis en sourdine, ne serait-ce que pour un temps. Alors quand c’est l’Église qui met à son agenda le soin de la création, il peut y avoir un sentiment de ras-le-bol en considérant que l’Église ne fait que suivre le sujet « à la mode », en se laissant influencer par la société.

L’Église devrait-elle marquer sa différence en refusant d’aborder le sujet de l’écologie ? Ou devrait-elle au contraire-t-elle être la première à souligner l’importance de prendre soin de la création ?

Un moment dans l’histoire

Dans notre relation avec la société, nous n’avons pas à choisir entre simplement suivre le mouvement, ou nous couper du monde qui nous entoure pour vivre de manière indépendante. Être attentif à nos circonstances est au contraire une source permanente d’opportunités pour redécouvrir la richesse de la Bible et apprendre à mettre en pratique son enseignement fidèlement. Les mêmes vérités immuables que nous trouvons dans la Parole trouvent un écho différent dans un monde en perpétuelle évolution. Si nous voulons mettre en pratique tout ce que Jésus nous a enseigné (Mt 28.19), nous devons bien sûr être attentifs à ce qu’il nous a enseigné. Mais nous devons également être attentifs au monde dans lequel nous devons le mettre en pratique. Il me semble que c’était le sens de l’éditorial de Marie-Noëlle Yoder dans le magazine du Bienenberg, quelques mois après le début de la guerre en Ukraine lorsqu’elle disait :

« Heureux les artisans de paix », disait Jésus (Mt 5.9). Cette expression si souvent entendue et répétée prend un sens nouveau en temps de guerre. Elle paraît soudain plus engageante, plus délicate à mettre en œuvre.[1]

Nous sommes toujours appelés à être des artisans de paix, mais notre identité d’artisans de paix s’exprime différemment suivant les circonstances géopolitiques dans lesquelles nous vivons.

Concernant le soin de la création, c’est justement parce que nous vivons un moment historique que nous devons prendre le temps de redécouvrir la richesse de la Bible sur le sujet et apprendre à suivre fidèlement Jésus dans les circonstances qui sont les nôtres. Depuis le début de la révolution industrielle, la capacité de l’humanité à transformer le monde a progressé comme jamais auparavant. Les progrès techniques et l’abondance d’énergie ont produit des fruits remarquables. Mais comme l’a dit un grand philosophe, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » et malheureusement, l’humanité utilise aussi ses nouveaux pouvoirs pour détériorer profondément la création. Climat, biodiversité, pollutions, épuisement des ressources, les voyants sont au rouge, et tout indique qu’il faille nous préparer à ce que la situation continue d’empirer. Il est donc temps d’interroger la Bible pour discerner avec l’aide de l’Esprit comment être fidèles au Créateur dans ce temps de crises.

Redécouvrir un patrimoine oublié

Voici quelques exemples d’enseignements bibliques qui apparaissent sous un jour nouveau dans notre contexte de crises écologiques multiples :

  • Dieu a confié à l’humanité la mission de dominer, cultiver et garder sa création en tant que créatures, créées à son image (Gn 1 et 2). Comment être fidèle à ce mandat dans une humanité qui exploite bien plus qu’elle garde la création ?

  • La beauté, l’harmonie, la grandeur et la diversité de la création sont pour Dieu des moyens pour révéler à l’humanité sa gloire (Jb 39-41 ; Ps 104 ; Rm 1.19-20 ; Ac 14.17, 17.24-27 ; Ap 4.11). Prendre soin de la création c’est aussi préserver cette source d’adoration pour les chrétiens et ce témoignage pour les non-chrétiens.

  • Les crises écologiques sont majoritairement causées par les plus riches et les victimes d’un environnement détérioré sont d’abord les plus pauvres. Plus que jamais, il est essentiel de refuser de servir « Mammon » en choisissant la générosité et la solidarité plutôt que l’accumulation des richesses.

  • Derrière les crises se cachent des intérêts économiques et politiques contrôlés par des puissants cherchant toujours à atteindre de nouveaux sommets plutôt qu’à servir l’intérêt commun. Comment l’Église peut-elle marquer sa différence par rapport à ces forces que la Bible décrirait comme « babyloniennes » pour être les témoins du Royaume de Dieu sur terre.

  • Face à des perspectives de plus en plus anxiogènes, l’Église à l’opportunité de réapprendre à trouver la paix dans son espérance de vivre un jour dans un monde entièrement renouvelé où les crises écologiques ne seront plus qu’un lointain souvenir.

Notre patrimoine biblique est vaste et la liste pourrait être prolongée. Voilà pourquoi il est temps de prendre le temps de se plonger dans ce patrimoine pour redécouvrir ensemble, avec l’aide de Dieu, comment prendre soin de la création dans un monde en crise.

Découvrez “Soin de la création”

Une formation en partenariat avec A Rocha France.


[1] Marie-Noëlle Yoder, Bienenberg Magazine, éditorial, automne 2022, italique ajouté.

On n’aime « guerre » que la paix… Qu’en disent les Églises pacifistes ?

Par Frédéric de Coninck, Benjamin Isaak-Krauss, Alexandre Nussbaumer

Pour inaugurer une nouvelle maquette des ouvrages publiés par les Éditions Mennonites, voici un petit livre qui traite d’une grande question : la guerre. La guerre qui s’est rapprochée de l’Europe depuis deux ans, la guerre qui frappe durement au Proche-Orient, la guerre qui était toujours là mais que nous avions oubliée…

Trois parties rythment l’ouvrage :

  1. Quel dialogue entre les chrétiens et l’État face à la guerre ?

  2. Lutter autrement, par la résistance civile non-violente

  3. 3. Le rôle de l’Église face à la guerre. Sans nier la complexité du sujet, les auteurs proposent une réflexion inspirée par la tradition des Églises pacifistes.

Trois cas concrets sont également présentés, pour illustrer le propos : le témoignage d’un objecteur de conscience ukrainien, l’exemple des habitants de Kherson en Ukraine, un texte de la Conférence Mennonite Mondiale sur la guerre au Moyen-Orient.

L’objectif du livre est de repenser la question de la guerre et d’interpeller les chrétiens, comme le dit Neal Blough dans la préface : « Quand les Églises incorporeront-elles une théologie de la non-violence dans leur vie à long terme, dans les catéchismes, les prédications, les chants, la formation théologique et dans les actes concrets ? »

Publics

  • Membres d’Églises, pasteurs et responsables d’Églises

  • Aumôniers militaires

  • Personnes et groupes engagés en faveur de la paix

Les auteurs

Frédéric de Coninck, sociologue mennonite, auteur de nombreux ouvrages sur le vécu de la foi dans la société contemporaine.

Benjamin Isaak-Krauss, pasteur de la communauté mennonite de Francfort-sur-le-Main, activement engagé dans la promotion de la paix et de la non-violence.

Alexandre Nussbaumer, actuel pasteur de lʼÉglise mennonite de Pfastatt et enseignant du Centre de formation à partir du 1er septembre 2024.

Quelques mots de présentation

Une présentation vitaminée du dossier.

Un webinaire à découvrir

La soirée de présentation est disponible en replay.

Pour se procurer le dossier, c’est ici, sur le site des éditions mennonites.

Accorder le pardon

“Puis-je pardonner à celui qui est coupable de la mort de notre enfant ? C'est une entreprise téméraire que d'écrire à ce propos”, souligne Thomas Dauwalter. “C'est la première fois que je parle en détail du processus de pardon en lien avec cet événement. C'est une entreprise téméraire que d'aborder un tel sujet. Pour plus de clarté : je parle en mon nom et pas au nom des membres de ma famille. Ce que je vais dire sur la rencontre avec le responsable de l'accident n’engage que moi ; il pourrait aussi en parler de son côté. Chacun a donné à l'autre la liberté de dire ce qu'il a jugé opportun dans la situation en question. Sur le chemin du pardon, j'ai vécu les étapes suivantes.

Étape 1 : La tragique nouvelle

Le 26 juillet 2004, à trois heures du matin, on sonne à notre porte. Deux policiers et un aumônier d'urgence - comme je le comprendrai plus tard - se tenaient devant la porte. L'un des policiers a la pénible tâche de m'annoncer la terrible nouvelle du décès accidentel de notre fille, Michi :

« Votre fille a eu un accident de la route. Pour faire court, elle n'a pas survécu ! Cause de l'accident : un véhicule arrivant en sens inverse s'est retrouvé de son côté de la route et l'a percutée de plein fouet sur son scooter Vespa. Elle n'a eu aucune chance. L'accident s'est produit sur un pont. L'homme était sous l'emprise d'une forte alcoolémie et a, en outre, commis un délit de fuite. »

Ma vie m’a paru être semblable à une page jusqu'alors blanche et agréable, devenue d'un seul coup, noire et sombre. Les pensées suivantes m’ont envahi : le monde n’est pas bon. Les gens ne me veulent pas du bien. Dieu n'a pas de bonnes intentions à mon égard. Je ne vaux rien, je suis l'idiot de la nation. Et en même temps, une phrase a surgi, à l’opposé de à ce qui se passait. Une phrase que j'avais lue, il y a des années, dans le petit livre de Fritz Schwarz: Ich werweigere mich – oder von der Schönheit des Glaubens (Le refus de se soumettre ou la beauté de la foi), m'avait déjà interpellé à l'époque : « La beauté de la foi chrétienne ne peut pas être décrite. Je pourrais devenir fou, fou de joie. » Un paradoxe criant ! C'est possible, me suis-je dit. Cela m’a rendu pensif. Cette phrase est devenue un cri du cœur :

« Jésus, j'aimerais pouvoir à nouveau parler de la beauté de la foi. Avec conviction. Et de telle sorte que je ne doive pas faire abstraction de cette expérience amère, mais qu'elle soit assimilée ! »

Étape 2 : Protestation et déni

Impuissants et abasourdis, nous étions assis à table. Le choc, le désespoir, la tristesse, l'impuissance, la paralysie, le mutisme, des pensées comme « ce n’est pas possible, c'est un cauchemar » ont continué à hanter mes jours, mes semaines et les mois suivants. Mais il y avait aussi une résistance intérieure :

« Je ne vais pas laisser une personne responsable de la mort de notre enfant gâcher ma vie. Je refuse qu'une racine d’amertume détruise ma vie. Je refuse de chercher à me venger. Et je refuse que le deuil devienne ma raison de vivre. Je veux apprendre à accepter cet événement terrible. Oui, il doit faire partie de ma vie. Une partie de mon histoire avec Dieu et non un chapitre sombre mis à part. Je dois apprendre à me réconcilier avec ce chapitre de ma vie. Je veux aussi me réconcilier avec Dieu. Pour y parvenir, le pardon est une grande partie du chemin. »

Je veux vouloir pardonner à cette personne. Mais comment faire ? Comment pardonner dans un tel cas ? Nous avons l’habitude de prier :

« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » (Mt 6.12).

Étape 3 : Questions sur questions

Qui est vraiment responsable de la mort de notre Michi ? Le responsable de l'accident ? Ou même Dieu ? N'aurait-il pas pu l'empêcher ? J'étais tiraillé. À cela s'ajoutait le magnifique Psaume 121 que Michi avait écrit dans sa chambre en guise de profession de foi. La question surgissait inévitablement en moi : « Où étais-tu, Dieu ? » Des questions toutes simples ont jailli en moi.

J'ai également constaté qu'il n'y avait pas de système judiciaire objectif dans notre pays. Nous avons reçu 3000 € de dédommagement. Qu'est-ce pour une vie ? Qu’est-ce qu’on peut faire avec cet argent ?

À l'époque, j'ai lu dans le journal que Stefan Raab avait été condamné à payer 70.000 € de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, suite à des plaisanteries grossières aux dépens d'une écolière. Il avait utilisé le nom d’une jeune fille de 16 ans, Lisa Loch (note de traduction : Lisa Trou), de manière répétitive pour des jeux de mots douteux.

Au final, j'ai compris au fond de moi qu'il n'y avait pas de justice objective. Culpabilité ici, punition là. Affaire classée. Est-ce ainsi que l'on empêche d'autres délits ? Je ne plaide pas pour que la dette soit exemptée de conséquences. Que dirait Dieu : Oui, il y a ici une dette inestimable et irréparable. La réponse est le pardon, au moment voulu et si possible, la réconciliation et le rétablissement des relations. La victime et le coupable se rencontrent. Le rapport à la faute est un puissant moteur de guérison et d’élan de vie. La vengeance a un inconvénient : elle provoque à nouveau la vengeance. Et cela ne s'arrête jamais. Dans les grandes comme dans les petites choses.

Étape 4 : Que faire de mon agressivité ?

Comment gérer mon agressivité envers le coupable ? Celle-ci réapparaissait de manière sporadique. Elle n'était pas particulièrement prononcée, mais il y avait toujours quelque chose qui était là.

Une déclaration de Paul, un homme de la Bible au temps de l’Église primitive, m'a toujours été d'une grande aide : je n'ai pas besoin de me venger. C'est un autre qui s'en charge :

« Ne vous faites pas justice vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez place à la colère, car il est écrit : C’est moi qui fais justice ! C’est moi qui paierai de retour, dit le Seigneur. » (Rm 12.19).

La vengeance peut donc être déléguée à celui qui est le Juste.

En plus, je me souvenais de l'histoire de Caïn et Abel, le premier meurtre décrit dans la Bible. Caïn a tué son frère Abel par jalousie. Il l'a assassiné. À un moment donné, Dieu s'approche de lui avec cette question choquante : « Caïn, où est ton frère ? » Caïn pensait que le cas d'Abel était réglé. Mais il y avait quelqu’un qui n'avait pas oublié. C'était Dieu et il demanda à Caïn : « Où est ton frère ? »

Le sang d'Abel s'était infiltré dans la terre depuis longtemps. QUELQU’UN n'avait pas oublié. Une image s'est formée en moi. Si la tache de sang sur la route de Mahlspüren s'est infiltrée depuis longtemps, si un jour la route n'existe plus et si peut-être même Mahlspüren disparaît, quelqu'un ne va pas oublier. Un jour, il demandera au responsable de l'accident :

« Qu'as-tu fait cette nuit-là ? Tu as laissé la fillette sur place ! Est-ce que tu t'es présenté chez les parents pour leur demander pardon ? »

Cette pensée m’a réconforté un certain temps. Au même moment, je commençais à avoir de la peine pour le responsable de l'accident. J'imagine que le fait d'être confronté à Dieu est très dangereux. Et c'est alors qu'une autre déclaration de la Bible a revêtu une beauté particulière :

« J’entendis du trône une voix forte qui disait : La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. »  (Ap 21.2-4).

Michi s'était fait baptiser trois semaines avant son accident. Plus tard, j'ai commencé à me renseigner sur l'accident et à prier son auteur : « Père, aie pitié de lui et donne-moi l'inspiration pour l'affronter avec clarté et réconciliation. » Le dernier livre de la Bible, l'Apocalypse, est devenu à cette époque un véritable livre de consolation, ce qui est d'ailleurs l'intention centrale de ce livre. C'est à peine croyable !

Étape 5 : Dieu m'a pardonné, je vais donc aussi pardonner.

Je voulais pardonner à l’auteur de l'accident et le lui faire savoir d'une manière ou d'une autre. Ma motivation n'était toutefois pas claire : pour me protéger de l'amertume ? Pour obéir à Dieu ? Pour être un bon chrétien ? Pour passer pour un super-chrétien devant les autres ? Une chose est sûre : les réflexions sur le pardon ont surtout porté sur moi-même ! Au cours de la première année après l'accident, j'ai essayé d'obtenir un rendez-vous par l'intermédiaire d’une tierce personne. Le contact n'a pas eu lieu. Et c'est bien ainsi. À ce moment-là, j'avais pardonné en prenant de haut le coupable :

« Moi, bon chrétien, je te pardonne, pauvre responsable de l'accident. Nous autres chrétiens, nous avons de si nobles sentiments. »

Bof, bof… Aujourd’hui je pense que ce sont des réactions médiocres. Les années passèrent ainsi. J'étais relativement en paix avec tout cela, mais j'avais en quelque sorte le désir de ne pas me contenter d'un pardon intérieur. Il devait y avoir plus, mais je ne savais pas quoi. Peut-être que la réconciliation était aussi possible !

Étape 6 : La percée

Le tournant s'est produit pendant les vacances d'été 2012 : sur la plage ensoleillée de Cavallino, j'ai lu le livre de Miroslav Volf, Free of charge – Giving and Forgiving in a Culture Stripped of Grace (Donner et pardonner gratuitement dans une culture sans pitié) de Miroslav Yolf. Ce livre est le meilleur que j’aie jamais lu sur le thème du pardon. Je n'ai pas pu m'empêcher de laisser libre cours à mes larmes sur ma chaise longue. Des phrases ont touché mon cœur :

« Dieu est le plus miséricordieux. Le pardon est un cadeau spécial. Lorsque nous le donnons, nous cherchons le bien d'une autre personne et non le nôtre. Dieu a inventé le pardon. Notre pardon n'est qu'un écho du pardon de Dieu. Nous pardonnons en tant que pécheurs et non en tant que justes. Dans le pardon, il y a deux vainqueurs. »

Un nouveau désir est né en moi : je veux rencontrer cet homme, lui parler et lui dire que je lui ai pardonné. Je souhaite que la paix ne soit pas seulement pour moi, mais pour lui aussi. Je souhaite qu'il réussisse sa vie. Dieu avait beaucoup agi en moi. Vint alors le moment d'établir le contact. Comment pouvais-je m'y prendre ? J'en ai parlé à Dieu et, peu avant Noël 2012, une pensée forte a surgi en moi :

« Thomas, demande à cet homme comment il se sent après tous ces événements au goût amer. Demande-le-lui, toi ! »

Je n'avais encore jamais vu les choses sous cet angle. C’était une mise en perspective. Je me suis assis et je lui ai écrit une lettre. La culpabilité devait être mentionnée. Le verdict de culpabilité précède le pardon, dit Volf, sinon tout devient bon marché. J'ai donc écrit quelques lignes :

« Bonjour Monsieur ..., je m'appelle Thomas Dauwalter et je suis le père de Michi Dauwalter, dont vous êtes coupable de la mort accidentelle. Je me demande continuellement comment vous vous sentez ! C'est avec plaisir, même si j’ai les genoux qui tremblent, que je vous rencontrerais et vous tendrais la main vers le pardon. Avec mes meilleures salutations, Thomas Dauwalter. »

Étape 7 : La rencontre

Ce fut une journée hors norme. Inscription dans mon journal de bord du 20 février 2013 :

« Trio de prière, bureau, une journée mémorable : accident de voiture - dommage total ! Rencontre avec le coupable de la mort accidentelle de Michi. Seigneur, je te remercie parce que tu es un Seigneur plein de bonté et que tu permets la paix sur la terre. »

La rencontre était prévue pour 20 heures. Je me suis mis en route pour aller chez moi vers 13 heures pour avoir encore un peu de temps pour me reposer un peu et pour prier. Intérieurement, j'étais déjà dans la rencontre, brutalement, je me suis réveillé de mes dialogues intérieurs : bang ! La voiture s'est arrêtée d’un coup. Je venais de m'écraser contre un lampadaire à Bambergen ! Première pensée : j'annule l’entretien. La seconde : c’est maintenant plus que jamais. Je ne suis pas sûr de savoir dans quelle mesure le diable, qui est le diviseur, a voulu empêcher cette rencontre imminente et salutaire.

Le soir, nous nous sommes rencontrés. Au premier contact visuel, j'ai eu très peur. Que va-t-il se passer ? Est-ce que je vais pleurer ? Une agressivité insoupçonnée allait-elle se manifester ? C'est ainsi que nous nous sommes rencontrés. L'homme est à peine plus jeune que moi. D'une certaine manière, il est même sympathique. Nous avons commencé par la question que j'avais posée dans la lettre :

« Comment vous sentez-vous en tant que responsable d'un accident, en tant que personne coupable de la mort d'une jeune femme ? »

« Cette question », m'a-t-il dit, « m'a coupé l'herbe sous le pied quand je l'ai lue sur votre carte ! Vous me posez la question alors qu’en fait, je voulais vous la poser depuis longtemps. Comment se fait-il que vous me posiez la question ? » L'échange a été très émouvant. Les raisons pour lesquelles le premier contact m'a été refusé ont également été évoquées : « La peur », a-t-il dit, « j'ai eu peur que vous sortiez un couteau ou un pistolet lors de la rencontre. » En effet, un peu à la même période que l’accident, avait eu lieu l'assassinat d’un contrôleur aérien par le père d'une victime d’un crash. C'est à cette époque qu'a eu lieu la terrible collision d'avions près d'Überlingen, qui a coûté la vie à de nombreuses personnes, dont de nombreux enfants. Nous avons parlé ensemble pendant 90 minutes, quelques larmes ont coulé. Puis nous nous sommes quittés.

« Vous m'avez enlevé une tonne de poids du cœur. Je peux à nouveau respirer. »

Ces mots prononcés au moment des adieux me sont restés en mémoire. Cette expérience m'a fait prendre conscience de l'importance du pardon. Il s'agit de briser le cycle de la vengeance. Et il n'y a pas d'autre voie que le pardon et la réconciliation. Il s'agit de rendre possible la vie en commun. Le pardon signifie qu'à l'avenir, je veux rencontrer cette personne comme un être humain normal et non pas comme « Monsieur le coupable de la mort de notre Michi ». Dieu me pardonne de la même manière. Il ne me voit plus comme un coupable, mais comme quelqu'un qui a été pardonné, pour la faute duquel un autre a payé le prix. C'est pourquoi, en tant que chrétien, je ne peux pas faire autrement que de pardonner si quelqu'un est coupable à mon égard. Il faut ne pas balayer la faute sous le tapis, à bon compte, mais l'appeler par son nom, puis accorder consciemment le pardon, détacher l'autre de sa culpabilité et lui donner une nouvelle chance. Autrement, nous n’avons aucune possibilité de faire face à notre propension à l'erreur et à la culpabilité mutuelle. Tout le reste conduit à un cercle vicieux destructeur, selon la devise « ce que tu me fais, je te le fais ». Si tu veux être heureux un instant, venge-toi. Si tu veux être heureux toute ta vie, pardonne.

Ce soir-là, après la rencontre et la poignée de main de réconciliation, je suis rentré chez moi profondément satisfait en pensant :

« Aujourd'hui, j'ai enfin fait quelque chose qui a vraiment du sens. Mon Dieu, tu es vraiment génial. »

Il y a quelques semaines, la boucle a été bouclée. Monsieur Z. a, à ma demande, rénové et remis en place la croix sur le lieu de l'accident. Un signe précieux de repentir et aussi de réparation. Cela m'a fait un bien fou ! Plus tard, j'ai reçu une demande d'amitié de sa part via Facebook. J'ai dû déglutir une nouvelle fois avant de répondre « oui » quelques jours plus tard. Nous nous sommes rencontrés à nouveau sporadiquement.

Je conclurai par une phrase de Desmond Tutu :

« Les expériences difficiles ont le potentiel de nous rendre amers ou d'ennoblir notre caractère. »

Nous pouvons vivre la réconciliation et le salut par Jésus dans ce monde, non pas malgré nos blessures, mais justement à cause d'elles. Oui, la beauté de la foi chrétienne se manifeste précisément dans ces contradictions et ne peut guère être décrite.


Thomas Dauwalter, né en 1959, pasteur de l’Église évangélique néo-anabaptiste Lindenwiese, Überlingen (D). Traduction par Rachel Parlebas Nussbaumer. Publié en allemand dans Mennonitisches Jahrbuch 2022, p. 85-90, repris avec autorisation.

Dieu et la pandémie

Nous vivons dans l’ombre de la pandémie depuis plus d’une année, situation qui touche l’ensemble de nos vies, de nos activités, de nos Églises, du travail pastoral. Beaucoup de questions se posent :

  • Pourquoi?

  • Qu’est-ce que cela signifie?

  • Quelle est notre réponse?

  • Quelle est la réponse de l’Église ?

La pandémie nous rappelle notre fragilité et notre mortalité.

Depuis plusieurs générations en Europe occidentale, nous vivons un contexte plutôt exceptionnel dans l’histoire de l’humanité. Pour la grande majorité, nous avons une couverture médicale, nous n’avons pas faim, nous n’avons pas connu de conflit armé sur notre sol, le progrès technique facilite la vie et le travail, nous vivons plus longtemps que jamais dans l’Histoire. Nous pensions maîtriser la vie. Nous appuyons sur l’interrupteur, et il y a de la lumière, nous ouvrons le robinet et il y a de l’eau potable, nous prenons la voiture, le train ou l’avion et nous nous déplaçons facilement.

Et tout à coup, nous sommes face à la maladie et à la mort sur le plan mondial, nous ne pouvons plus nous voir aussi facilement, nous perdons des membres de famille et des amis, certains perdent le travail, tout est bousculé sinon bouleversé.

Mais nous ne vivons pas en Syrie, en Afghanistan, en Inde, dans l’Est du Congo. Une bonne partie de l’humanité vit des situations plus difficiles depuis longtemps. Nos parents, nos grands-parents ont connu les guerres mondiales, la grande crise économique, moins de médicaments, la grippe espagnole. Les pandémies courent depuis toujours, c’était jusqu’à très récemment des phénomènes récurrents et mortels. N’oublions pas que dans le contexte mondial actuel, nous restons privilégiés même si nous posons des questions.

Qu’est-ce que cela signifie?

Beaucoup de réponses en ce qui concerne la pandémie : on sous-estime, on surestime, on cherche les responsables, c’est la faute de la Chine, c’est la faute de notre irresponsabilité écologique, c’est la faute de nos dirigeants.

Pour certains chrétiens, c’est un signe. Un signe de la fin des temps, un signe de la colère de Dieu, c’est une punition : pour le péché sexuel, pour l’injustice entre riches et pauvres, pour la surconsommation et le niveau de vie occidental. Parfois la pandémie fonctionne comme un mégaphone, nous permettant de crier plus fort ce que nous avions de toute façon envie de dire.

La recherche de signes pose la question de notre manière de lire et de comprendre l’Histoire. Il est vrai, Jésus évoque et donne des signes, mais il a aussi dit « personne (même le Fils) ne sait l’heure ». Dans Matthieu 24, il dit même qu’il ne faut pas s’inquiéter.

Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Attention ! Ne vous alarmez pas : il faut que cela arrive, mais ce n'est pas encore la fin. (Mt 24,6)  

La description des efforts des chrétiens de lire la fin dans les événements de l’histoire rempliraient des volumes et des volumes. Comment donc comprendre les « signes » ?

Alors quelques scribes et Pharisiens prirent la parole : « Maître, nous voudrions que tu nous fasses voir un signe. »

Il leur répondit :

« Génération mauvaise et adultère qui réclame un signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas donné d'autre que le signe du prophète Jonas. Car tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. (Mt 12,38-40)

Plutôt que de chercher des signes dans les journaux et les événements, j’aimerais suggérer que nous avons à lire les événements à la lumière du signe de Jonas, c’est-à-dire, le signe, la réalité de la croix et de la résurrection. L’histoire a un sens, mais elle est à lire à partir du Christ, à partir des réalités fondamentales de l’Évangile. La vie, la mort et la résurrection du Christ, le cœur du projet de Dieu pour la bénédiction de toutes les familles de la terre.

 Aujourd’hui, nous ne sommes pas loin du week-end de Pâques. Le vendredi saint et la croix nous rappellent la réalité du mal, le dérèglement de notre monde par le péché. Ces forces ont tout simplement cherché à supprimer le Fils. La croix, c’est l’attaque des forces du mal pour éradiquer le Christ.

 Autrement dit, nous ne devrions pas avoir besoin de signes comme la pandémie pour nous rappeler que notre monde est déréglé, que nos relations sont déréglées, que l’économie, la politique, l’écologie montrent les efforts du mal à conquérir l’Histoire.

L’ensemble de l’Écriture nous dit que le mal est complexe et que nous ne pouvons pas facilement l’expliquer. Parfois, je subis les conséquences directes de mon comportement, il y a parfois un lien évident entre mon péché et ce qui m’arrive. Parfois, nous subissons le mal commis par les autres, et ce n’est pas directement de notre faute. Les méchants prospèrent et les innocents trinquent. Est-ce qu’on va dire que l’enfant syrien qui meurt de Covid dans un camp de réfugiés est responsable d’avoir attrapé cette maladie ? Parfois, dans la Bible, par exemple dans le cas de Job, le mal est une épreuve que Dieu permet pour tester la fidélité et montrer sa souveraineté. Étant tous pris dans le cycle infernal du mal, nous ne devrions pas être trop rapide à proclamer « à qui la faute ». On est tous impliqué d’une manière ou d’une autre.

 Quelle est notre réponse?

Je soulève plusieurs pistes. D’abord, les Psaumes. Le peuple d’Israël est souvent confronté au mal. Parfois, c’est de sa faute (l’exil), parfois, ce n’est pas de sa faute (l’esclavage en Égypte), parfois, c’est tout simplement incompréhensible. Dans 33% des Psaumes nous trouvons la plainte. Face au dérèglement, le peuple s’adresse honnêtement à Dieu.

Tu nous livres comme agneaux de boucherie, tu nous as dispersés parmi les nations.  Tu cèdes ton peuple sans bénéfices, et tu n'as rien gagné à le vendre.

Tu nous exposes aux outrages de nos voisins, à la moquerie et au rire de notre entourage.

Tu fais de nous la fable des nations, et devant nous les peuples haussent les épaules.

Tous les jours, j'ai devant moi ma déchéance, et la honte couvre mon visage, sous les cris d'outrage et de blasphème, face à un ennemi revanchard.

Tout cela nous est arrivé, et nous ne t'avions pas oublié, nous n'avions pas démenti ton alliance ; notre cœur ne s'était pas repris, nos pas n'avaient pas dévié de ta route, quand tu nous as écrasés au pays des chacals et recouverts d'une ombre mortelle. (Ps 44,12-20)

Jusqu'à quand SEIGNEUR ? Te cacheras-tu constamment ? Laisseras-tu flamber ta colère ?

Pense à ce que dure ma vie : tu as créé l'homme pour une fin si dérisoire !

Quel homme vivrait sans voir la mort, échappant à l'emprise des enfers ?

Seigneur ! où sont tes bontés d'autrefois ? Tu avais juré à David sur ta fidélité !

Seigneur ! pense à tes serviteurs outragés, à tout ce peuple dont j'ai la charge.

Tes ennemis l'ont outragé, SEIGNEUR ! en crachant sur les pas de ton messie (Ps 89,47-52)

Nous pouvons faire de même. Nous pouvons poser nos questions difficiles à Dieu, nous pouvons lui dire que nous ne comprenons pas. La plainte est permise, voire nécessaire, mais ce n’est pas le dernier mot. C’est une étape de notre réponse, de notre lecture de l’Histoire humaine. Le Psaume 89 que je viens de citer, se termine de la manière suivante :

Béni soit le SEIGNEUR pour toujours ! Amen et amen ! (Ps 89,53)

Dans le signe de Jonas, il y a la croix qui nous rappelle l’existence et le sérieux du mal. Mais le dernier mot est la résurrection et la victoire sur le mal. Et nous avons ici la deuxième clé de lecture de l’histoire. La croix et la résurrection nous montrent la manière dont Dieu fait face au mal. Le Christ reste fidèle, il n’entre pas dans le jeu de la domination, de la vengeance, de la violence. Il reste dans la volonté de Dieu, il reste fidèle à ce qui lui-même avait enseigné dans le Sermon sur la montagne. Il nous montre ce que l’amour de Dieu est prêt à subir pour nous sauver.

Il est sorti du tombeau, il est monté à la droite de Dieu et toute autorité lui a déjà été donnée. C’est à partir de là que nous répondons au mal, à la pandémie, c’est la clé de notre compréhension du monde et le moteur de notre action.

Ici, les récits de Pâques dans l’Évangile de Jean peuvent nous aider. On pourrait dire qu’après la crucifixion, les disciples se confinent.

Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées. (Jn 20,19)

Les disciples ne comprennent pas ce qui est arrivé, ils ont peur, et ils ferment les portes. Nous, par crainte du virus, nous nous trouvons confinés. Mais c’est dans une telle situation que le Christ se manifeste.

Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : « La paix soit avec vous ». (Jn 20,19)

Le Christ ressuscité offre la paix à ceux qui ont peur, à ceux qui se trouvent enfermés. Et dans ces mêmes conditions, Jésus confie une mission à ces disciples.

Alors, à nouveau, Jésus leur dit :

« La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie. » (Jn 20,21)

Et pour cela, il les équipe avec le Saint Esprit. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint » (Jn 20,22) La mission de l’Église commence dans le contexte des larmes des femmes dans le jardin, des disciples qui ont peur, qui doutent et qui sont enfermés.

Quelle est la réponse de l’Église?

Et c’est ici, dans cet envoi, dans cette mission que nous trouvons la réponse à la question des signes. Les disciples sont envoyés comme le Christ a été envoyé. Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie. Comme, c’est-à-dire de la même manière. Face au mal, face au dérèglement, Dieu est venu parmi nous en Christ et le Christ a posé des signes.

D’abord, il a partagé entièrement notre humanité. Il a eu faim, il a connu la tentation, il pleure lorsque son ami Lazare décède, et il a connu la souffrance et la mort. Comme remède, Dieu vient parmi nous partager notre vie. Et ce même Jésus, envoyé par le Père, Parole faite chair, a posé des signes.

La résurrection ouvre le chemin vers la nouvelle création dont parle l’Apocalypse, la création brisée, que Dieu va guérir et restaurer. Et les signes posés par Jésus étaient des signes de cette nouvelle création. Signes d’une vie nouvelle, Dieu venant dans l’ordinaire et faisant l’extraordinaire. Guérir les malades, changer l’eau en vin, donner du pain à ceux qui avaient faim, donner la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, manger avec des personnes de mauvaise réputation, pardonner les péchés, dénoncer le mal, appeler à la repentance, ce qui veut dire qu’une autre vie est possible. Des signes d’un monde nouveau, des signes du monde vers lequel l’Histoire chemine.

La croix et la résurrection sont à la fois la source de notre rédemption et le modèle de notre action dans un monde déréglé par le mal. Dieu a envoyé Jésus, Jésus envoie les pauvres en esprit, les doux, les affamés de justice, les miséricordieux, les cœurs purs les artisans de paix.

N.T. Wright décrit la mission des disciples de la manière suivante : apporter l’amour de Dieu là où le monde a mal, être un peuple en prière au milieu d’un monde qui a mal. Il dit aussi que nous pouvons, devons apporter nos plaintes à Dieu. Mais une fois que c’est fait, au lieu de poser la question de « pourquoi » ou « à qui la faute », poser plutôt celle de savoir « que pouvons-nous faire ? »

Dans Actes 11, l’Église d’Antioche apprend qu’il y aura une famine, c’est-à-dire qu’il y aura des gens qui risquent de mourir. Cette Église ne dit pas « c’est un signe de la fin », elle ne dit pas, « l’empereur aurait dû faire des stocks », même si le texte donne le nom de l’empereur. Elle pose la question de savoir « que pouvons-nous, que devons-nous faire ? » Quelle réponse à une catastrophe annoncée ?

Les disciples décidèrent alors qu'ils enverraient, selon les ressources de chacun, une contribution au service des frères qui habitaient la Judée. Ce qui fut fait. L'envoi, adressé aux anciens, fut confié aux mains de Barnabas et de Saul. (Actes 11,29-30)

 Sachant que des sœurs et des frères auront faim, ils décident de faire une collecte et ils désignent des responsables. Les épîtres de Paul nous montrent à quel point cette collecte était importante. Des Églises de partout ont pris soin de chrétiens qu’ils ne connaissaient pas. Elles ont posé le signe d’un monde fraternel et solidaire, du monde tel que Dieu le veut, tel qu’il sera.

Au milieu de nos craintes, lorsque nous nous trouvons confinés, le Christ se fait connaître, et il nous confie la même mission : comme le Père m’a envoyé, moi, je vous envoie. Soyons de ceux et celles qui apportent l’amour et le pardon de Dieu là où notre monde a mal, là où notre monde souffre.

 

 

Cette méditation de Neal Blough s’inspire de sa lecture du livret de N.T. Wright, God and the Pandemic : A Christian Reflection on the Coronavirus and its Aftermath, Zondervan Reflection, 2020.

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Du nouveau sur la formation anabaptiste en ligne

Bien avant la Covid-19, la réflexion s’est amorcée entre diverses institutions offrant des formations théologiques et bibliques anabaptistes, en vue de pouvoir offrir une formation anabaptiste francophone en ligne. Un tel outil, en effet, n’existait jusque maintenant pas encore…

En 2014, lors de la consultation sur la formation théologique dans un cadre anabaptiste-mennonite, à Kinshasa, la décision a été prise de remédier à ce manque. C’est ainsi qu’en 2017, plusieurs de ces institutions se sont réunies au sein d’un consortium dans l’objectif d’établir un partenariat pour développer et mettre à la disposition des institutions de formation théologique francophones des formations spécifiquement liées à la théologie anabaptiste, concernant la paix, la justice et la réconciliation.

Le Centre de Formation à la Justice et à la Paix (CFJP) a ainsi vu le jour, hébergé par l’Université de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan (UACA), dont le profil était le plus adapté pour encadrer ses activités. Parmi les partenaires figurent notamment l’École de Théologie Évangélique du Québec (ETEQ), le Centre Universitaire de Missiologie (CUM) de Kinshasa, l’Université Chrétienne de Kinshasa (UCKIN), le Centre de Formation du Bienenberg (CeFor), le Centre mennonite de Paris (CMP), le Réseau mennonite francophone (Rmf), et bien d’autres encore.

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Le premier fruit de cette collaboration est la création d’un cours pilote que nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui : le cours Leadership, paix et réconciliation, qui se déroule du 11 janvier au 3 avril, et qui porte sur les diverses catégories de conflits et leurs impacts sur leurs contextes, pour outiller les leaders en vue de développer de nouvelles approches créatives pour développer la paix, le shalom divin dans leurs communautés.

Les thèmes abordés sont les suivants :

  • Leadership et gestions des conflits

  • L'éthique anabaptiste, la paix et l'Église

  • Perspectives bibliques sur la paix et le shalom

  • Genre et transformation des conflits

  • Ethnicité, culture et conflit

  • La politique, la théologie et la réconciliation

  • La justice réparatrice

Plus de détail dans le flyer ci-joint.

Ce premier cours est destiné aux étudiants en master et doctorat, sur une base de 10 séances hebdomadaires par Zoom de 90 minutes, les devoirs et discussions de groupe seront déployés en ligne.

Proposé par le CFJP, il est organisé par l'Université de l'Alliance Chrétienne d'Abidjan (UACA), le Centre Universitaire de Missiologie de Kinshasa (CUM), l'Université Chrétienne de Kinshasa (UCKin) et l'École de Théologie Évangélique du Québec (ETEQ).

Les inscriptions se font directement par les administrations des écoles concernées :

http://uaca-edu.org

https://ucemis.academy

https://uckin.net

https://www.eteq.ca

(Re-)découvrir le Sermon sur la Montagne depuis son salon

En période de pandémie, il est difficile de se projeter et d’envisager des déplacements ainsi que des rencontres avec de grands groupes. Le FREE COLLEGE et le Centre de formation proposent d’approfondir un texte qui est au centre de l'enseignement de Jésus depuis son fauteuil, une tasse de thé à la main.

Une occasion unique de découvrir Jésus dans une autre perspective!

Orateur

Claude Baecher, ancien pasteur des Églises mennonites et de la FREE et spécialiste de la question.

Quand

Tous les mercredi soirs à 20h15 du 2 janvier au 26 mai 2021.

Lieu

Depuis chez vous, sur Zoom.

Support matériel

Claude Baecher participera à la soirée en tant que consultant.

Prix

La participation à ces animations bibliques est gratuite, mais une inscription est nécessaire pour obtenir le lien à la connexion ZOOM. Ces soirées seront animées conjointement par Serge Carrel, journaliste, et par un pasteur d’une des Églises partenaires.


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Programme

1.      6 janvier : « Introduction au Sermon sur la montagne » (Mt 4.23-5.2)

2.      13 janvier : « Heureux ! » (les Béatitudes) (Mt 5.3-12)

3.      20 janvier : « Sel et lumière » (Mt 5.13.16)

4.      27 janvier : « Jésus et la loi » (Mt 5.17-20)

5.      3 février : « Priorité à la réconciliation » (Mt 5.21-26)

6.      10 février : « Pour des relations saines entre hommes et femmes » (Mt 5.27-32)

7.      17 février : « Parler sans tromper » (Mt 5.33-37)

8.      3 mars : « Comment faire face à la malveillance » (Mt 5.38-42)

9.      10 mars : « La spiritualité du Royaume » (L’amour de l’ennemi) (Mt 5.43-48)

10.   17 mars : « Une spiritualité centrée sur Jésus ou sur soi-même » (Mt 6.1-6 et 16-18)

11.   24 mars : « L’antidote à la prière païenne : le Notre Père » (Mt 6.7-15)

12.   31 mars : « Une manière révélatrice d’engager ses biens » (Mt 6.19-24)

13.   21 avril : « La peur de manquer et le Royaume de Dieu » (Mt 6.25-34)

14.   28 avril : « Contre le moralisme dévastateur » (Mt 7.1-5)

15.   5 mai : « Pas de contrainte, mais confiance en Dieu » (Mt 7.6-11)

16.   12 mai : « Contre les interprétations égoïstes et la course à la réussite » (Mt 7.12-14)

17.   19 mai : « Contre la boulimie du surnaturel et la recherche du sensationnalisme » (Mt 5.15-23)

18.   26 mai : « Contre les brasseurs d’idées justes qui en restent là » (Mt 7. 24-29)

Inscriptions et informations supplémentaires

Sur le site de la Free (lien ici).

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Des lunettes anabaptistes pour lire la Bible?

Quelles sont, en matière d’interprétation biblique, les spécificités d’une approche anabaptiste ? Ou bien : existe-t-il des lunettes anabaptistes pour lire la Bible ?

Répondre à cette question n’est pas si simple. En effet, si on s’en réfère aux étapes « classiques » de l’interprétation biblique – observer le texte, l’expliquer en tenant compte de son contexte historique et littéraire, de son genre littéraire, à la lumière des autres textes bibliques s’y rapportant, etc. –, on pourrait être tenté de conclure qu’une lecture anabaptiste ne diffère guère, puisqu’elle intègre les mêmes éléments. C’est vrai. Cependant, elle comprend aussi certaines particularités qui méritent d’être relevées, car elles confèrent l’une ou l’autre couleur à ses lunettes.

Des précisions en Christ

            « Je ne suis pas venu pour abolir [la Loi], mais pour [l’]accomplir », a dit Jésus (Mt 5.17). Il indiquait en cela que si la première alliance gardait son importance, il n’y en avait pas moins avec et par lui des choses qui s’étaient précisées, développées, qui étaient arrivées à maturité (le sens du terme « accomplir »). C’est à partir de là qu’une lecture anabaptiste de la Bible insiste particulièrement sur trois aspects :

  1. il y a matière à parler d’un « canon dans le canon »

  2. la Bible doit être interprétée de manière « christocentrique » et

  3. en tant que révélation progressive, c’est-à-dire en tenant compte de sa « trajectoire rédemptrice ». Les expressions sont un peu complexes, nous allons les expliciter.

Un canon dans le canon

Par « canon dans le canon », on comprend (dans une perspective anabaptiste) que les Évangiles, qui relatent la vie, l’œuvre et l’enseignement de Jésus, jouent un rôle central dans toute interprétation. Ce ne sont pas uniquement le sacrifice à la croix et la résurrection du Christ qui comptent, aussi importants soient-ils, mais encore son exemple, sa vie, ses actions, ses paroles, ses attitudes, etc. Le Christ des Évangiles, « tout » le Christ, révèle le cœur et le projet de Dieu pour l’humanité. C’est pourquoi non seulement l’Ancien Testament doit être lu et interprété à la lumière du Nouveau, mais encore, dans ce Nouveau, les Évangiles forment la référence ultime. De là découle le deuxième aspect.

Interprétation christocentrique

La Bible doit être interprétée de manière « christocentrique ». La pointe ici est l’affirmation selon laquelle l’interprétation la plus juste d’un texte est celle qui se réfère de la manière la plus évidente à la mémoire de Jésus le Seigneur. Christ est la révélation parfaite de Dieu. Toute interprétation d’un texte se doit donc être en cohérence avec sa personne, sa vie, son enseignement, son œuvre. Le Sermon sur la montagne (Mt 5-7) occupe ici une place particulière. C’est pourquoi, par exemple, parce qu’une telle lecture s’opposerait à l’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis (Mt 5.44), il ne saurait en aucun cas être juste de légitimer le recours à la violence à partir de certains textes de l’Ancien voire du Nouveau Testament. Nous en arrivons au troisième aspect.

En fonction de la trajectoire rédemptrice - Shalom

La Bible doit être interprétée en tenant compte de sa « trajectoire rédemptrice ». Le Christ est venu instaurer son Royaume, en poser les fondements. Mais ce Royaume ne sera jusqu’à son retour toujours qu’en cours de réalisation. Le plein accomplissement est encore à venir. Le projet du Royaume se résume en un mot : le Shalom, état de bien-être, santé, abondance, sécurité, etc., tel que celui-ci peut exister lorsque les humains vivent dans des relations justes vis-à-vis de Dieu, les uns vis-à-vis des autres, et vis-à-vis de la création. La trajectoire qui se dessine, pour conduire à la réalisation de ce Shalom dans l’histoire humaine, intègre une justice divine visant en premier lieu la restauration des relations, la réconciliation. C’est-à-dire une justice qui, si elle n’exclut pas de « réparer » lorsque c’est possible, reste toujours au service de la paix et de la guérison (la justice « supérieure à celle des scribes et des pharisiens » dont parlait Jésus, cf. Mt 5.20). Concernant l’interprétation biblique, cette « trajectoire rédemptrice » devient le guide pour lire les textes le plus justement possible : on ne peut tirer d’un passage une application qui ne s’inscrirait pas voire serait contraire à l’accomplissement visé, à savoir la réalisation (dès maintenant et encore à venir) du Shalom dans toutes ses dimensions. 

La communauté

À ces trois aspects s’ajoutent encore, dans une lecture anabaptiste, deux insistances particulières. L’importance, d’abord, de la communauté. Pour les anabaptistes, le fait d’être membre d’un corps, le corps de Christ, concerne aussi la manière d’interpréter la Bible et de l’appliquer.

Sous la direction du Saint-Esprit, nous avons besoin les uns des autres pour tester nos compréhensions, les vérifier, peut-être les corriger, recevoir d’autres éclairages.

Cette interprétation communautaire se vit à différents niveaux, de l’Église locale à la communion de l’Église mondiale et dans l’histoire. Surtout, elle forme un cadre – un garde-fou – pour l’interprétation personnelle. L’application, ensuite. Le processus d’étude de la Parole a pour but de nous aider à être (plus) fidèles à Jésus, à lui ressembler toujours davantage tel qu’il s’est révélé et dans la perspective de la réalisation de son Shalom. Ainsi, disent les anabaptistes, les applications que nous tirons de nos interprétations sont autant de critères pour juger de la justesse de celles-ci. En d’autres termes : si notre ou nos interprétations conduisent à des attitudes qui ne manifestent pas ou moins la justice et le Shalom du Royaume, c’est qu’elles ne sont a priori pas justes.

Conclusion

Alors, avec ce que nous avons vu, existe-t-il des lunettes anabaptistes pour lire la Bible ? Oui, sans aucun doute, même si leur couleur se retrouve assurément au moins en partie aussi dans d’autres traditions. Cependant, par les accents qu’elles mettent en avant, ces lunettes méritent entièrement d’avoir leur place dans la grande famille des « opticiens bibliques ».


Avez-vous déjà entendu parler des Études Francophones de Théologie Anabaptiste? L’année actuellement en cours porte sur la Bible dans une perspective anabaptiste et décline ces idées de multiples manières.

Réflexion après le début de la formation Points chauds...

Après un week-end d’introduction sur les théories de l’interprétation de la Bible et sur la communication non-violente, la formation Points chauds a véritablement démarré, avec

  • une journée à Pulversheim (F) sur la prédestination et

  • une journée à Tramelan (CH) sur les sens de la mort du Christ.

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Quelques réflexions

Je partage quelques réflexions inspirées par les apports de Neal Blough et de Jacques Nussbaumer à Tramelan.

Certains participants ont découvert que la question du sens ou des sens de la mort du Christ faisait débat au sein des Églises évangéliques. Deux positions (il y a en d’autres) ont été présentées :

  • Le modèle du Christ victorieux (Neal Blough)

  • Le modèle de la substitution pénale (Jacques Nussbaumer).

 Les intervenants ont résumé ainsi leur position respective.

  • Pour le Christ victorieux : « par la mort et la résurrection du Christ, Dieu a vaincu les forces du mal et de la mort, opérant ainsi le pardon et la libération de l'esclavage du péché. »

  • Pour la substitution pénale : « Par sa mort sur la croix, Jésus-Christ a porté la peine que méritait le péché des hommes, se substituant à eux. »

 Les deux présentations ont permis d’affiner la perception que l’on peut avoir de chaque position. On évite ainsi les caricatures qui n’aident pas à la compréhension mutuelle et au dialogue. Cela demande un vrai travail théologique et de réelles compétences en exégèse, en herméneutique, en dogmatique.

Les deux présentations ont mis en évidence l’importance du rôle de l’histoire de l’Église, quand les chrétiens, à diverses époques, élaborent des doctrines à partir des textes bibliques, mettant l’accent sur tel aspect plutôt que sur tel autre, et cherchant à répondre à des problématiques particulières, liée à un contexte historique.

 On a aussi pu s’apercevoir que, pour chaque position présentée sur le sujet, des dérives peuvent exister, qu’il s’agit de reconnaître pour chaque tenant d’une position, et qu’il s’agit pour l’autre de ne pas absolutiser.

 Les intervenants, tout en affirmant leur désaccord avec convictions, ont dialogué de manière fraternelle et respectueuse. A la fin de la journée, une participante a déclaré que leur manière d’être en dialogue donnait de l’espoir pour d’autres situations et était donc source d’inspiration.

Une question

Les deux positions sont-elles exclusives ou peuvent-elles être vues comme complémentaires ? Ou plus précisément : une des positions a-t-elle une importance prépondérante ?

La journée avait commencé par une animation invitant chaque participant à se positionner physiquement sur une ligne imaginaire, entre les deux positions affichées aux deux extrémités de la salle. Ce placement géographique donnait à voir que l’on peut être pour la position A, mais plus ou moins ; ou pour la position B, mais plus ou moins – ce qui évite les généralisations abusives. A la fin de la journée, une participante a partagé que si l’exercice était refait alors, son positionnement ne serait plus le même, parce qu’elle avait mieux compris la visée et la portée de la position de la substitution pénale.

Suite des découvertes le samedi 1er décembre à Pulversheim sur l’homosexualité avec Nicolas Farelly et Elian Cuvillier, et le samedi 8 décembre sur la non-violence ou la guerre juste, avec Alexandre Nussbaumer et Matthieu Sanders.