Réflexions sur une défaite militaire

Le retrait des troupes britanniques (et occidentales) d'Afghanistan en 2021, suivi de l’avancée des talibans et de la chute probable du pays vers un état de chaos, nous invite à réfléchir à la manière de clore les interventions militaires lorsque celles-ci n’atteignent pas les objectifs visés.

Vous avez dit défaite?

La réticence à reconnaître ces résultats comme des défaites peut se comprendre au vu des pertes humaines – en morts et en blessés –, du coût économique, et de l’embarras politique. Mais si les résultats escomptés ne sont pas atteints, il est important d'utiliser ce terme (défaite) et de réfléchir à ses implications. Ceux qui ont préconisé et autorisé cette intervention militaire devraient être tenus de rendre des comptes et invités à réfléchir aux décisions prises et aux résultats de ces décisions. La population, qui a financé ce conflit par les impôts, est en droit de questionner ce qui a été atteint et ce qui ne l’a pas été. Cette défaite donne l’occasion de discuter des priorités et stratégies futures. Des examens internes sont peut-être en cours et une commission d'enquête sera sans doute ouverte, mais le retrait des troupes s’est fait discrètement et avec peu de reconnaissance publique – en contraste avec la fin d'un conflit lorsqu’il est considéré comme victorieux. Les autorités préféreront donc peut-être éviter un examen approfondi.

Quel rôle les Églises ont-elles à jouer ?

Bien que les Églises n’aient pas été consultées dans la décision de déployer des troupes ou dans la définition des objectifs de l'intervention, l'Église d'État est traditionnellement invoquée pour marquer la fin des conflits, si leur issue semble satisfaisante. Dans le passé, cela se traduisait souvent par une forme de célébration de la victoire, généralement associée à un certain souci pour l'ennemi vaincu et quelques expressions d'un désir de paix. À titre d’exception, après le conflit des Malouines, lors duquel les forces britanniques avaient atteint l’objectif visé, le culte clôturant le conflit, contrairement aux souhaits de certains politiciens de haut rang, n'avait pas été pensé comme une célébration de la victoire, mais comme l'occasion d'une réflexion plus approfondie (un examen détaillé et des réflexions utiles sur ce culte sont disponibles (ici, en anglais uniquement). Marquer une défaite reste néanmoins une tout autre affaire.

Il y a bien sûr une question préalable à savoir si ce lien entre l'Église et la guerre est justifié à la lumière de l'enseignement de Jésus. La présence dans de nombreux édifices religieux d'insignes, d'inscriptions et d'accessoires militaires, la participation des responsables d’Église à des actes de commémoration, tels que les messes lors des jours de l’Armistice en France, et de nombreux autres liens sont issus de l’époque de la chrétienté, lorsque l'Église « avait fait la paix avec la guerre ».

Mais si les Églises sont impliquées dans les événements qui suivent un conflit, comment peuvent-elles réagir aux défaites ? Les politiciens et la population sont évidemment peu enclins à marquer ces occasions, préférant laisser l’Histoire les effacer discrètement. Mais cette démarche nous prive d’une réflexion sur ce qui eu a lieu, les raisons de l’échec, ce qui aurait pu être fait différemment et ce que l’on pourrait en retirer pour l'avenir. Cela empêche aussi les personnes touchées personnellement par le conflit de tourner la page. Les Églises pourraient-elles avoir un rôle plus proactif dans de telles situations ? Si oui, que pourraient-elles offrir ? Pourraient-elles proposer d'animer des échanges pour faciliter une réflexion sérieuse ?

Existe-t-il des ressources bibliques pertinentes à ce sujet?

Existe-t-il des ressources bibliques pertinentes à ce sujet ? Le peuple d'Israël a assurément subi de multiples défaites, certaines d'entre elles tout à fait inattendues. Le choc et la désorientation sont évidents dans certains passages. En voici deux exemples poignants :

Josué 7.4-9 : Ainsi, environ trois mille soldats allèrent attaquer la ville, mais ils furent mis en fuite par les habitants d’Aï qui leur tuèrent environ trente-six hommes : ils les poursuivirent depuis la porte de la ville jusqu’à Shebarim et les battirent dans la descente. Alors le peuple atterré perdit tous ses moyens.

Josué déchira ses vêtements, il se jeta, la face contre terre, devant le coffre de l’Eternel et resta là jusqu’au soir. Les responsables d’Israël firent de même. Et ils se jetèrent de la poussière sur la tête. Josué s’écria : Ah ! Seigneur Eternel, pourquoi donc as-tu fait traverser le Jourdain à ce peuple, si c’est pour nous livrer aux Amoréens et nous faire périr ? Si seulement nous étions restés de l’autre côté du fleuve ! Maintenant, je te prie, Seigneur, que puis-je dire après qu’Israël a pris la fuite devant ses ennemis ? Les Cananéens et les autres habitants du pays l’apprendront, ils nous encercleront et feront disparaître notre nom de la terre. Comment alors feras-tu reconnaître ta grandeur ?

1 Samuel 4.10-22 : Les Philistins livrèrent bataille et Israël fut vaincu. Chacun s’enfuit sous sa tente et ce fut une très lourde défaite : Israël perdit trente mille hommes. Le coffre de Dieu fut pris par les Philistins et les deux fils d’Eli, Hophni et Phinéas, moururent. Un homme de Benjamin s’échappa du champ de bataille et courut jusqu’à Silo le jour même ; il avait déchiré ses vêtements et couvert sa tête de poussière en signe de deuil. Au moment où il arriva, Eli était assis sur son siège, aux aguets près de la route, car il était très inquiet au sujet du coffre de Dieu. L’homme vint annoncer la nouvelle dans la ville, et tous les habitants se mirent à pousser de grands cris. Quand Eli entendit ces cris, il demanda : Que signifie ce tumulte de la foule ?

L’homme se dépêcha de venir lui annoncer la nouvelle. Or Eli était âgé de quatre-vingt-dix-huit ans, il avait les yeux éteints, il était complètement aveugle. L’homme dit à Eli : J’arrive du champ de bataille. Je m’en suis enfui aujourd’hui même. – Et que s’est-il passé, mon fils ? lui demanda Eli. Le messager lui répondit : Israël a pris la fuite devant les Philistins ; nous avons subi une terrible défaite ; même tes deux fils Hophni et Phinéas sont morts, et le coffre de Dieu a été pris.

Lorsque le messager fit mention du coffre de Dieu, Eli tomba de son siège à la renverse, à côté de la porte du sanctuaire, il se brisa la nuque et mourut, car il était âgé et lourd. Il avait dirigé Israël pendant quarante ans. Quand sa belle-fille, la femme de Phinéas qui arrivait au terme de sa grossesse, entendit que le coffre de Dieu avait été pris et que son beau-père ainsi que son mari étaient morts, elle chancela et, brusquement prise de contractions, elle accoucha. Comme elle était près de mourir, les femmes qui l’entouraient lui dirent : Rassure-toi : c’est un garçon. Mais elle y fut indifférente et ne répondit rien. Elle donna à l’enfant le nom d’I-Kabod (Plus de gloire), en expliquant : La gloire divine a quitté Israël. Elle pensait au coffre de Dieu qui avait été pris, à son beau-père et à son mari. Elle s’écria encore : Oui, la gloire a quitté Israël, car le coffre de Dieu a été pris.

La défaite la plus grave, avec les conséquences les plus lourdes, reste l'invasion d'Israël par les Assyriens et plus tard par les Babyloniens, entraînant la prise de Jérusalem et la déportation des Israélites en exil pendant plusieurs décennies. L'Ancien Testament contient de nombreuses expressions de lamentation, d’examen de conscience, de reconnaissance d'échec et d'inquiétude pour l'avenir. Ces passages offrent ainsi de riches ressources pour alimenter notre réflexion sur les défaites militaires, peu importe le contexte :

  • Le livre des Lamentations

  • Néhémie, chapitre 1

  • Daniel, chapitre 9

  • Psaume 137

  • Habacuc, chapitre 1

Ces exemples anciens, imprégnés de connotations et de compréhensions théologiques, sont évidemment bien différents des guerres séculières d'aujourd'hui, et aucune nation aujourd'hui ne peut prétendre avoir la faveur de Dieu à la manière du peuple d’Israël. On peut néanmoins déceler certains thèmes généraux : le chagrin face aux vies perdues, l’antipathie face à un ennemi victorieux, le questionnement sur les raisons de la défaite, la reconnaissance de ses erreurs, le souci de sa réputation, et la peur des conséquences de la défaite.

 La doctrine de la guerre juste

La ressource traditionnellement utilisée pour évaluer la légitimité d’un conflit est la doctrine de la guerre juste. Il s’agit d’un ensemble exigeant de conditions permettant de déterminer à l'avance si une intervention militaire est justifiée ou non. Il existe plusieurs versions de ces critères, en voici en un résumé succinct:

  • La guerre doit être menée pour une cause juste, c’est-à-dire en légitime défense, pour la défense d'autrui, ou en réponse à un acte délibéré d'agression non provoquée.

  • La guerre doit être menée avec une bonne intention, telle que rectifier le mal et établir le bien, instaurer un ordre plus juste, rétablir la paix le plus tôt possible, et non par vengeance ou pour établir la suprématie sur les autres.

  • Il doit y avoir une probabilité raisonnable de succès, c’est-à-dire qu’il en résultera plus de bien que de mal.

  • La guerre doit être menée par des moyens appropriés, proportionnés et non excessifs, afin que les résultats de la victoire l'emportent sur les dommages causés pour y parvenir. Les civils ne doivent pas être blessés, aucun moyen intrinsèquement mauvais ne doit être utilisé, et les termes de la capitulation doivent être équitables et miséricordieux.

  • La guerre doit être l’unique moyen possible d'éliminer le mal : le dernier recours après avoir essayé toutes les autres réponses par la négociation ou les sanctions.

  • La guerre doit être déclarée et combattue par une autorité légitime, normalement l'État, bien que cela soit moins clair lors de guerres civiles.

 Dérivés de sources classiques, adaptés pour être utilisés par l'Église et l'État au début de l'ère chrétienne et périodiquement affinés et mis à jour, ces critères ont exercé une influence importante dans la plupart des traditions ecclésiales pendant des siècles. Ces critères restent influents aujourd’hui malgré la préoccupation grandissante quant à leur applicabilité aux guerres modernes, et leur rejet par certaines traditions qui leur ont préféré le pacifisme. Bien qu’ils aient leurs limites, manquent de soutien biblique, et n’aient pas réussi à empêcher de nombreux conflits injustifiables à travers les siècles, ces critères – s'ils sont appliqués correctement – sont puissants et très restrictifs.

Les politiciens continuent d’utiliser le vocabulaire de la guerre juste pour justifier leurs décisions, bien que dénué de vocabulaire théologique et presque toujours sans référence aux critères spécifiques. Certains aspects de ces critères sont incorporés dans diverses déclarations internationales sur la conduite appropriée des conflits. Ces critères pourraient-ils donc être utilisés au lendemain d'un conflit, plutôt qu'avant, pour évaluer dans quelle mesure le conflit peut être considéré, rétrospectivement, comme justifiable ? Les Églises peuvent-elles initier ou jouer un rôle dans une telle discussion ?

L'un des critères de la guerre juste est une probabilité réaliste de succès quant à l’atteinte des objectifs de l’intervention militaire. Lors d’une défaite ou d’un résultat manqué, il semble justifié de réexaminer cette probabilité et de se demander si elle était, en effet, réaliste. Les autres critères fournissent des ressources supplémentaires pour ceux qui sont prêts à réfléchir honnêtement et sérieusement au conflit – ce qui l’a induit, comment il a été mené, quelles erreurs ont été commises, ce qui aurait pu être fait différemment, etc. S'appuyer ainsi sur ces critères pourrait encourager leur utilisation appropriée en amont de toute situation future de conflit.

 Expériences et besoins

Au-delà de l’évaluation solide de la décision d'entrer en guerre, de la conduite de la guerre et de son issue décevante, on se doit de prêter attention aux expériences et aux besoins de ceux qui ont combattu, ont été blessés ou sont endeuillés. C'est le cas après tout conflit, mais lorsque le résultat n'a pas été satisfaisant, il peut y avoir une plus grande réticence à aborder ces problèmes, et d’autant plus besoin de le faire. La souffrance des blessés ou des endeuillés peut être exacerbée par la question de savoir si le sacrifice en valait la peine. L'honnêteté vis-à-vis des échecs doit être accompagnée de compassion et de façons d’honorer ceux dont la vie a été si profondément affectée par le conflit. Nous devons combattre la tendance dans l'Église et la société à célébrer les succès et à balayer les échecs sous le tapis – ceci par souci d'intégrité, afin de tirer les leçons nécessaires, et de répondre aux questions et besoins de ceux qui ressentent l’échec ou ne savent comment se sentir face à l’échec.

Une réflexion créative sur des approches et stratégies alternatives

La période post-conflit pourrait aussi être l'occasion d'une réflexion créative sur des approches et stratégies alternatives. Quelles autres possibilités auraient pu être explorées ? Si partir en guerre est un dernier recours (comme l'exigent les critères), y avait-il d'autres manières de procéder moins coûteuses et plus prometteuses qui n'avaient pas été envisagées ou pas suffisamment examinées ? Comment ces informations pourraient-elles éclairer les situations futures ?

L'utilisation des critères de la guerre juste pour examiner et évaluer ce qui s'est passé pourrait déplaire aux Églises attachées au pacifisme et à la non-violence. Mais bien que sceptiques quant à l’utilisation de ces critères avant de potentiels conflits, ces Églises pourraient reconnaître que ces critères sont en réalité très exigeants s'ils sont correctement appliqués, empêchant la guerre dans presque tous les contextes. L’utilisation rétrospective des critères lorsque l'action militaire n'est pas en jeu pourrait permettre leur bon usage et encourager ce bon usage à l'avenir. Bien que ces critères reposent sur des présupposés différents de ceux du pacifisme, s'ils sont utilisés correctement, l'écart entre ces deux approches n'est pas si grand. Les Églises engagées dans la non-violence pourraient soutenir ce processus, encourager l'application rigoureuse des critères et participer à la recherche d’alternatives pacifiques.

 

Auteur: Stuart Murray Williams. L’article complet est disponible en format téléchargeable ici. Article repris et traduit avec autorisation du site Amnetwork.

Traduction: Améline Nussbaumer.

Vous avez dit démons?

Les Éditions mennonites publient un dossier trois fois par an pour stimuler la réflexion. La dernière parution propose une réflexion biblique et théologique sur un sujet peu traité: les démons. Comme le dit la conclusion du livre:

“Ce qui manque souvent [dans les Églises évangéliques et charismatiques], c’est bien une démonologie, à savoir une réflexion sur les démons, à partir de fondements bibliques et théologiques - et non à partir d’idées et de pratiques se basant sur des expériences marquantes ou sur des perceptions du monde visible tenues pour évidentes.”

Avec ce dossier, une démonologie biblique est proposée!

Des réponses à 15 questions

Que nous enseigne la Bible concernant les démons?

  1. Que sont les démons et esprits mauvais dans l’Écriture ?

  2. Quelle est l’origine des puissances mauvaises (mauvais esprits, démons…) ?

  3. Comment comprendre la victoire du Christ sur les démons et les puissances du mal ?

  4. « Pouvoirs et autorités » et « démons » : quelles relations entre ces notions ?

  5. Le combat contre des « esprits territoriaux » est-il bibliquement fondé ?

L’influence des démons

  1. Quelle est l’action d’un démon à l’encontre d’un être humain ?

  2. Quelle est l’action d’un démon à l’encontre d’un chrétien ?

  3. Accorde-t-on aujourd’hui dans les Églises trop peu d’importance aux démons – ou trop ?

  4. De quelle manière les démons sont-ils actifs dans le fonctionnement de la société ?

Médecine et démons

  1. Que penser des situations où Jésus lie maladie et possession/« démonisation » ?

  2. Quel lien y a-t-il entre maladie psychique et possession/« démonisation » ?

  3. Comment savoir si quelque chose relève des sciences occultes ou des sciences médicales?

Pastorale et démons ou combat spirituel et délivrance

  1. Que nous apprend le ministère de Jésus sur l’exorcisme ?

  2. Quand pratiquer l’exorcisme et quand intercéder dans la prière ?

  3. Faut-il des pasteurs spécifiques dans l’exorcisme ?

Pour quel public ce livre a-t-il été écrit?

  • Pour les membres d Églises de diverses tendances spirituelles

  • Pour les jeunes qui s’interrogent sur un sujet délaissé ou rebattu

  • Pour les personnes en prise avec des phénomènes malsains

  • Pour les pasteurs et responsables d’Églises

Qui sont les auteurs?

Comment se procurer le dossier?

Dans les librairies chrétiennes, au Centre de Formation du Bienenberg ou directement sur le site des Éditions mennonites au tarif de 11 Euros.

La guerre est contraire à la volonté de Dieu

En vue de la 11e assemblée du Conseil œcuménique des Églises en Allemagne à l’été 2022, plusieurs organismes chrétiens pacifistes lancent un appel aux Églises invitantes.

Un appel à une prise de position

Cet appel en faveur de la paix demande que ces Églises prennent position publiquement face aux autorités politiques dans les domaines suivants :

·        Pour une adhésion immédiate au traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires

·        Pour que cesse l’exportation d’armes (notamment des armes légères)

·        Pour que les milliards que l’armement militaire coûte chaque année soient redistribués en faveur de la paix.

Par cet appel aux Églises invitantes, les organismes signataires espèrent que les Églises clarifient leur position sur la paix juste, les armes nucléaires, l’exportation d’armements militaires.

Les Églises destinataires

Les Églises invitantes à qui l’appel est destiné tout particulièrement sont :

  • L’Église évangélique d'Allemagne

  • L’Église évangélique régionale de Baden

  • L’Association des Églises chrétiennes d'Allemagne

  • L’Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine,

  • L’Église évangélique réformée de Suisse.

Les signataires

Parmi les organismes signataires de l’appel, on trouve Church and Peace (dont le Centre de Formation du Bienenberg est membre), le Comité Mennonite Allemand pour la Paix, le Centre Mennonite de Berlin, Pax Christi, Ohne Rüstung Leben, le Groupe d’Action Service pour la paix, etc. 

L’appel en disponible en français ici. Il est possible de le signer.

L'assemblée du Conseil œcuménique des Églises se tiendra pour la première fois en Allemagne. Les représentants d'environ 350 Églises se réuniront à Karlsruhe du 31 août au 8 septembre 2022. Ils représentent plus de 500 millions de chrétiens de plus de 120 pays.

 

 

À contre-courant – Cultiver les valeurs du Royaume de Dieu

Le non-conformisme évangélique fait partie de l’ADN anabaptiste. Dans l’histoire mennonite, il s’est parfois exprimé de manière uniquement réactive et légaliste. Aujourd’hui, on peut être tenté de l’abandonner par volonté de laisser davantage de place à la liberté individuelle (par ex. en matière d’habillement – un thème important dans l’histoire mennonite) ; ou alors par souci de voir principalement tout ce qui est commun aux chrétiens et aux autres personnes. Ces raisons peuvent alimenter un conformisme social qui est la pente naturelle et facile.

Sur une idée de Linda Oyer, les Éditions Mennonites ont publié deux tomes intitulés À contre-courant – Cultiver les valeurs du Royaume de Dieu, sous la direction de Nicolas Widmer, pasteur à l’Église de la Bonne Nouvelle de Vendenheim et membre du comité des Dossiers de Christ Seul.

Douze thèmes sont traités, avec six articles écrits par des femmes et six articles écrits par des hommes (voir la table des matières ci-dessous). L’ensemble cherche à montrer une différence chrétienne fructueuse, dans le domaine des attitudes et des comportements, alimentés par une saine spiritualité. Les douze thèmes recoupent en partie les facettes du fruit de l’Esprit décrites par l’apôtre Paul (Ga 5.22-23), en élargissant vers d’autres « valeurs » que l’on peut attribuer au « Royaume de Dieu ».

Chaque chapitre est construit de manière identique :

  1. Description de la culture ambiante (par ex. la culture du profit ou la culture du « tout, tout de suite »)

  2. Présentation de la valeur en question selon la Bible (par ex. la justice ou la patience)

  3. Manières de cultiver la valeur en question.

La plupart des auteurs sont engagés dans les Églises mennonites, mais des contributions d’auteurs d’Églises évangéliques (baptistes) sont à noter.

12 thèmes en vue de …

On peut imaginer que ces douze thèmes donnent lieu à douze prédications thématiques : c’est d’ailleurs de là qu’est venue l’idée par Linda Oyer. Cet été 2021, lors d’un camp des Lightclubberz pour ados, ces deux livres fourniront le matériau de ce qui se sera transmis aux participants. Un groupe de jeunes pourrait faire de même pour son programme annuel. Des groupes de maison pourraient lire ensemble un chapitre à la fois et en discuter.

Ensemble, les deux tomes proposent un non-conformisme évangélique en prise avec beaucoup de domaines de la vie actuelle, assumant la différence de manière missionnelle.

Dieu et la pandémie

Nous vivons dans l’ombre de la pandémie depuis plus d’une année, situation qui touche l’ensemble de nos vies, de nos activités, de nos Églises, du travail pastoral. Beaucoup de questions se posent :

  • Pourquoi?

  • Qu’est-ce que cela signifie?

  • Quelle est notre réponse?

  • Quelle est la réponse de l’Église ?

La pandémie nous rappelle notre fragilité et notre mortalité.

Depuis plusieurs générations en Europe occidentale, nous vivons un contexte plutôt exceptionnel dans l’histoire de l’humanité. Pour la grande majorité, nous avons une couverture médicale, nous n’avons pas faim, nous n’avons pas connu de conflit armé sur notre sol, le progrès technique facilite la vie et le travail, nous vivons plus longtemps que jamais dans l’Histoire. Nous pensions maîtriser la vie. Nous appuyons sur l’interrupteur, et il y a de la lumière, nous ouvrons le robinet et il y a de l’eau potable, nous prenons la voiture, le train ou l’avion et nous nous déplaçons facilement.

Et tout à coup, nous sommes face à la maladie et à la mort sur le plan mondial, nous ne pouvons plus nous voir aussi facilement, nous perdons des membres de famille et des amis, certains perdent le travail, tout est bousculé sinon bouleversé.

Mais nous ne vivons pas en Syrie, en Afghanistan, en Inde, dans l’Est du Congo. Une bonne partie de l’humanité vit des situations plus difficiles depuis longtemps. Nos parents, nos grands-parents ont connu les guerres mondiales, la grande crise économique, moins de médicaments, la grippe espagnole. Les pandémies courent depuis toujours, c’était jusqu’à très récemment des phénomènes récurrents et mortels. N’oublions pas que dans le contexte mondial actuel, nous restons privilégiés même si nous posons des questions.

Qu’est-ce que cela signifie?

Beaucoup de réponses en ce qui concerne la pandémie : on sous-estime, on surestime, on cherche les responsables, c’est la faute de la Chine, c’est la faute de notre irresponsabilité écologique, c’est la faute de nos dirigeants.

Pour certains chrétiens, c’est un signe. Un signe de la fin des temps, un signe de la colère de Dieu, c’est une punition : pour le péché sexuel, pour l’injustice entre riches et pauvres, pour la surconsommation et le niveau de vie occidental. Parfois la pandémie fonctionne comme un mégaphone, nous permettant de crier plus fort ce que nous avions de toute façon envie de dire.

La recherche de signes pose la question de notre manière de lire et de comprendre l’Histoire. Il est vrai, Jésus évoque et donne des signes, mais il a aussi dit « personne (même le Fils) ne sait l’heure ». Dans Matthieu 24, il dit même qu’il ne faut pas s’inquiéter.

Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Attention ! Ne vous alarmez pas : il faut que cela arrive, mais ce n'est pas encore la fin. (Mt 24,6)  

La description des efforts des chrétiens de lire la fin dans les événements de l’histoire rempliraient des volumes et des volumes. Comment donc comprendre les « signes » ?

Alors quelques scribes et Pharisiens prirent la parole : « Maître, nous voudrions que tu nous fasses voir un signe. »

Il leur répondit :

« Génération mauvaise et adultère qui réclame un signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas donné d'autre que le signe du prophète Jonas. Car tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. (Mt 12,38-40)

Plutôt que de chercher des signes dans les journaux et les événements, j’aimerais suggérer que nous avons à lire les événements à la lumière du signe de Jonas, c’est-à-dire, le signe, la réalité de la croix et de la résurrection. L’histoire a un sens, mais elle est à lire à partir du Christ, à partir des réalités fondamentales de l’Évangile. La vie, la mort et la résurrection du Christ, le cœur du projet de Dieu pour la bénédiction de toutes les familles de la terre.

 Aujourd’hui, nous ne sommes pas loin du week-end de Pâques. Le vendredi saint et la croix nous rappellent la réalité du mal, le dérèglement de notre monde par le péché. Ces forces ont tout simplement cherché à supprimer le Fils. La croix, c’est l’attaque des forces du mal pour éradiquer le Christ.

 Autrement dit, nous ne devrions pas avoir besoin de signes comme la pandémie pour nous rappeler que notre monde est déréglé, que nos relations sont déréglées, que l’économie, la politique, l’écologie montrent les efforts du mal à conquérir l’Histoire.

L’ensemble de l’Écriture nous dit que le mal est complexe et que nous ne pouvons pas facilement l’expliquer. Parfois, je subis les conséquences directes de mon comportement, il y a parfois un lien évident entre mon péché et ce qui m’arrive. Parfois, nous subissons le mal commis par les autres, et ce n’est pas directement de notre faute. Les méchants prospèrent et les innocents trinquent. Est-ce qu’on va dire que l’enfant syrien qui meurt de Covid dans un camp de réfugiés est responsable d’avoir attrapé cette maladie ? Parfois, dans la Bible, par exemple dans le cas de Job, le mal est une épreuve que Dieu permet pour tester la fidélité et montrer sa souveraineté. Étant tous pris dans le cycle infernal du mal, nous ne devrions pas être trop rapide à proclamer « à qui la faute ». On est tous impliqué d’une manière ou d’une autre.

 Quelle est notre réponse?

Je soulève plusieurs pistes. D’abord, les Psaumes. Le peuple d’Israël est souvent confronté au mal. Parfois, c’est de sa faute (l’exil), parfois, ce n’est pas de sa faute (l’esclavage en Égypte), parfois, c’est tout simplement incompréhensible. Dans 33% des Psaumes nous trouvons la plainte. Face au dérèglement, le peuple s’adresse honnêtement à Dieu.

Tu nous livres comme agneaux de boucherie, tu nous as dispersés parmi les nations.  Tu cèdes ton peuple sans bénéfices, et tu n'as rien gagné à le vendre.

Tu nous exposes aux outrages de nos voisins, à la moquerie et au rire de notre entourage.

Tu fais de nous la fable des nations, et devant nous les peuples haussent les épaules.

Tous les jours, j'ai devant moi ma déchéance, et la honte couvre mon visage, sous les cris d'outrage et de blasphème, face à un ennemi revanchard.

Tout cela nous est arrivé, et nous ne t'avions pas oublié, nous n'avions pas démenti ton alliance ; notre cœur ne s'était pas repris, nos pas n'avaient pas dévié de ta route, quand tu nous as écrasés au pays des chacals et recouverts d'une ombre mortelle. (Ps 44,12-20)

Jusqu'à quand SEIGNEUR ? Te cacheras-tu constamment ? Laisseras-tu flamber ta colère ?

Pense à ce que dure ma vie : tu as créé l'homme pour une fin si dérisoire !

Quel homme vivrait sans voir la mort, échappant à l'emprise des enfers ?

Seigneur ! où sont tes bontés d'autrefois ? Tu avais juré à David sur ta fidélité !

Seigneur ! pense à tes serviteurs outragés, à tout ce peuple dont j'ai la charge.

Tes ennemis l'ont outragé, SEIGNEUR ! en crachant sur les pas de ton messie (Ps 89,47-52)

Nous pouvons faire de même. Nous pouvons poser nos questions difficiles à Dieu, nous pouvons lui dire que nous ne comprenons pas. La plainte est permise, voire nécessaire, mais ce n’est pas le dernier mot. C’est une étape de notre réponse, de notre lecture de l’Histoire humaine. Le Psaume 89 que je viens de citer, se termine de la manière suivante :

Béni soit le SEIGNEUR pour toujours ! Amen et amen ! (Ps 89,53)

Dans le signe de Jonas, il y a la croix qui nous rappelle l’existence et le sérieux du mal. Mais le dernier mot est la résurrection et la victoire sur le mal. Et nous avons ici la deuxième clé de lecture de l’histoire. La croix et la résurrection nous montrent la manière dont Dieu fait face au mal. Le Christ reste fidèle, il n’entre pas dans le jeu de la domination, de la vengeance, de la violence. Il reste dans la volonté de Dieu, il reste fidèle à ce qui lui-même avait enseigné dans le Sermon sur la montagne. Il nous montre ce que l’amour de Dieu est prêt à subir pour nous sauver.

Il est sorti du tombeau, il est monté à la droite de Dieu et toute autorité lui a déjà été donnée. C’est à partir de là que nous répondons au mal, à la pandémie, c’est la clé de notre compréhension du monde et le moteur de notre action.

Ici, les récits de Pâques dans l’Évangile de Jean peuvent nous aider. On pourrait dire qu’après la crucifixion, les disciples se confinent.

Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées. (Jn 20,19)

Les disciples ne comprennent pas ce qui est arrivé, ils ont peur, et ils ferment les portes. Nous, par crainte du virus, nous nous trouvons confinés. Mais c’est dans une telle situation que le Christ se manifeste.

Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : « La paix soit avec vous ». (Jn 20,19)

Le Christ ressuscité offre la paix à ceux qui ont peur, à ceux qui se trouvent enfermés. Et dans ces mêmes conditions, Jésus confie une mission à ces disciples.

Alors, à nouveau, Jésus leur dit :

« La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie. » (Jn 20,21)

Et pour cela, il les équipe avec le Saint Esprit. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint » (Jn 20,22) La mission de l’Église commence dans le contexte des larmes des femmes dans le jardin, des disciples qui ont peur, qui doutent et qui sont enfermés.

Quelle est la réponse de l’Église?

Et c’est ici, dans cet envoi, dans cette mission que nous trouvons la réponse à la question des signes. Les disciples sont envoyés comme le Christ a été envoyé. Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie. Comme, c’est-à-dire de la même manière. Face au mal, face au dérèglement, Dieu est venu parmi nous en Christ et le Christ a posé des signes.

D’abord, il a partagé entièrement notre humanité. Il a eu faim, il a connu la tentation, il pleure lorsque son ami Lazare décède, et il a connu la souffrance et la mort. Comme remède, Dieu vient parmi nous partager notre vie. Et ce même Jésus, envoyé par le Père, Parole faite chair, a posé des signes.

La résurrection ouvre le chemin vers la nouvelle création dont parle l’Apocalypse, la création brisée, que Dieu va guérir et restaurer. Et les signes posés par Jésus étaient des signes de cette nouvelle création. Signes d’une vie nouvelle, Dieu venant dans l’ordinaire et faisant l’extraordinaire. Guérir les malades, changer l’eau en vin, donner du pain à ceux qui avaient faim, donner la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, manger avec des personnes de mauvaise réputation, pardonner les péchés, dénoncer le mal, appeler à la repentance, ce qui veut dire qu’une autre vie est possible. Des signes d’un monde nouveau, des signes du monde vers lequel l’Histoire chemine.

La croix et la résurrection sont à la fois la source de notre rédemption et le modèle de notre action dans un monde déréglé par le mal. Dieu a envoyé Jésus, Jésus envoie les pauvres en esprit, les doux, les affamés de justice, les miséricordieux, les cœurs purs les artisans de paix.

N.T. Wright décrit la mission des disciples de la manière suivante : apporter l’amour de Dieu là où le monde a mal, être un peuple en prière au milieu d’un monde qui a mal. Il dit aussi que nous pouvons, devons apporter nos plaintes à Dieu. Mais une fois que c’est fait, au lieu de poser la question de « pourquoi » ou « à qui la faute », poser plutôt celle de savoir « que pouvons-nous faire ? »

Dans Actes 11, l’Église d’Antioche apprend qu’il y aura une famine, c’est-à-dire qu’il y aura des gens qui risquent de mourir. Cette Église ne dit pas « c’est un signe de la fin », elle ne dit pas, « l’empereur aurait dû faire des stocks », même si le texte donne le nom de l’empereur. Elle pose la question de savoir « que pouvons-nous, que devons-nous faire ? » Quelle réponse à une catastrophe annoncée ?

Les disciples décidèrent alors qu'ils enverraient, selon les ressources de chacun, une contribution au service des frères qui habitaient la Judée. Ce qui fut fait. L'envoi, adressé aux anciens, fut confié aux mains de Barnabas et de Saul. (Actes 11,29-30)

 Sachant que des sœurs et des frères auront faim, ils décident de faire une collecte et ils désignent des responsables. Les épîtres de Paul nous montrent à quel point cette collecte était importante. Des Églises de partout ont pris soin de chrétiens qu’ils ne connaissaient pas. Elles ont posé le signe d’un monde fraternel et solidaire, du monde tel que Dieu le veut, tel qu’il sera.

Au milieu de nos craintes, lorsque nous nous trouvons confinés, le Christ se fait connaître, et il nous confie la même mission : comme le Père m’a envoyé, moi, je vous envoie. Soyons de ceux et celles qui apportent l’amour et le pardon de Dieu là où notre monde a mal, là où notre monde souffre.

 

 

Cette méditation de Neal Blough s’inspire de sa lecture du livret de N.T. Wright, God and the Pandemic : A Christian Reflection on the Coronavirus and its Aftermath, Zondervan Reflection, 2020.

Godandthepandemic.jpg


Du nouveau sur la formation anabaptiste en ligne

Bien avant la Covid-19, la réflexion s’est amorcée entre diverses institutions offrant des formations théologiques et bibliques anabaptistes, en vue de pouvoir offrir une formation anabaptiste francophone en ligne. Un tel outil, en effet, n’existait jusque maintenant pas encore…

En 2014, lors de la consultation sur la formation théologique dans un cadre anabaptiste-mennonite, à Kinshasa, la décision a été prise de remédier à ce manque. C’est ainsi qu’en 2017, plusieurs de ces institutions se sont réunies au sein d’un consortium dans l’objectif d’établir un partenariat pour développer et mettre à la disposition des institutions de formation théologique francophones des formations spécifiquement liées à la théologie anabaptiste, concernant la paix, la justice et la réconciliation.

Le Centre de Formation à la Justice et à la Paix (CFJP) a ainsi vu le jour, hébergé par l’Université de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan (UACA), dont le profil était le plus adapté pour encadrer ses activités. Parmi les partenaires figurent notamment l’École de Théologie Évangélique du Québec (ETEQ), le Centre Universitaire de Missiologie (CUM) de Kinshasa, l’Université Chrétienne de Kinshasa (UCKIN), le Centre de Formation du Bienenberg (CeFor), le Centre mennonite de Paris (CMP), le Réseau mennonite francophone (Rmf), et bien d’autres encore.

2021-01-12_060816.jpg

Le premier fruit de cette collaboration est la création d’un cours pilote que nous sommes heureux de vous présenter aujourd’hui : le cours Leadership, paix et réconciliation, qui se déroule du 11 janvier au 3 avril, et qui porte sur les diverses catégories de conflits et leurs impacts sur leurs contextes, pour outiller les leaders en vue de développer de nouvelles approches créatives pour développer la paix, le shalom divin dans leurs communautés.

Les thèmes abordés sont les suivants :

  • Leadership et gestions des conflits

  • L'éthique anabaptiste, la paix et l'Église

  • Perspectives bibliques sur la paix et le shalom

  • Genre et transformation des conflits

  • Ethnicité, culture et conflit

  • La politique, la théologie et la réconciliation

  • La justice réparatrice

Plus de détail dans le flyer ci-joint.

Ce premier cours est destiné aux étudiants en master et doctorat, sur une base de 10 séances hebdomadaires par Zoom de 90 minutes, les devoirs et discussions de groupe seront déployés en ligne.

Proposé par le CFJP, il est organisé par l'Université de l'Alliance Chrétienne d'Abidjan (UACA), le Centre Universitaire de Missiologie de Kinshasa (CUM), l'Université Chrétienne de Kinshasa (UCKin) et l'École de Théologie Évangélique du Québec (ETEQ).

Les inscriptions se font directement par les administrations des écoles concernées :

http://uaca-edu.org

https://ucemis.academy

https://uckin.net

https://www.eteq.ca

L'oecuménisme, une question débattue

Avant chaque journée Points chauds, un exercice préparatoire est donné aux participants pour se préparer à ce qu’ils vont entendre. La prochaine journée traitera de l’œcuménisme. La consigne? Regarder la vidéo ci-dessous et répondre aux deux questions ci-dessous. Et vous qu’en dites vous?

L’œcuménisme

Conférence de Campus protestant : Les mots de la foi
Idée de Antoine Nouis et Jean-Luc Mouton. Présenté par Gérard Rouzier

Plusieurs raisons (secondaires) plaident en faveur de l’œcuménisme :

  • L’esthétique : L’unité est préférable à la division.

  • L’évangélisation : Les divisions sont un contre-témoignage.

  • Le souci pastoral : Il y a de nombreux couples interconfessionnels dans nos Églises.

Raison fondamentale : L’œcuménisme est une exigence spirituelle

Les différences appartiennent à la création. Elles sont dans le monde, nos Églises, nos familles, etc.

Face à ces différences, il y a deux péchés à éviter :

  • L’uniformité : Nier la diversité en voulant que tout le monde soit pareil. Un des Pères de l’Église, Basile de Césarée, a dit : « C’est la même eau fraîche et féconde qui tombe sur le champ afin que fleurissent rouge le coquelicot, rose la rose et bleu le bleuet. »

  • L’indifférence : Désinvolture qui consiste à ignorer ceux qui sont différents de nous et à croire que nous n’avons pas besoin les uns des autres.

Entre ces deux écueils, l’œcuménisme cherche une juste relation entre les Églises.

Trois formes d’œcuménisme :

  • L’œcuménisme théologique : Travail sur les vraies et les fausses différences. Il cherche à rapprocher les positions et à se mettre d’accord sur les désaccords.
    Cet œcuménisme est important mais arrive un moment où les désaccords sont irréductibles et indépassables sauf à demander à une Église de renoncer à ce qui est pour elle fondamental.

  • L’œcuménisme de l’hospitalité : Démarche spirituelle qui prend en compte les différences, et qui cherche à accueillir et à aimer ce qui fonde ces différences. Œcuménisme qui consiste à s’inviter et se visiter les uns les autres. (Hébreux 13.1 : « N’oubliez pas l’hospitalité, il en est qui en l’exerçant, ont à leur insu, loger des anges.»)

  • L’œcuménisme de l’objection : Il ne s’agit pas seulement d’accueillir les différences, mais de demander à chacun de formuler les objections qu’il adresse à l’autre. Cela repose sur l’idée que chaque Église permet à l’autre d’éviter de tomber du côté où elle penche.
    Le protestantisme peut aider l’֤Église catholique à se préserver d’un absolutisme qui la menace. Le catholicisme rappelle au protestantisme que la théologie a une histoire, et que l’Église est universelle.

Exemple biblique : Dans l’épître aux Galates (chapitre 2), Paul parle de la grande question qui se posait à la première Église : la cohabitation entre les juifs et les non-juifs : fallait-il marquer cette différence et avoir des Églises séparées ? Ou abolir les différences ?
La question a été traitée à la rencontre de Jérusalem.
Après avoir évoqué les deux positions, Paul termine ainsi : « Lorsque Jacques, Céphas et Jean (chefs de l’Église) ont reconnu la grâce qui m’avait été accordée, alors ils nous ont donné la main droite à Barnabé et à moi en signe de communion. Nous irions nous vers les non-juifs, et eux vers les circoncis. Nous devions seulement nous souvenir des pauvres, ce que je me suis empressé de faire. »

Trois éléments dans ce texte peuvent inspirer le dialogue œcuménique :

  • Évoquer les différences : Paul aurait pu poursuivre sa mission sans se soucier de ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui. Il a tenu à aller à Jérusalem pour les rencontrer et exposer sa position. Lorsque la différence est apparue irréductible, ils ont décidé de partir chacun de leur côté.

  • Se séparer en se donnant la main droite. Le signe est éloquent : tendre la main droite, c’est refuser de se séparer sans se donner mutuellement un signe de paix. Le geste a des allures d’une bénédiction « Que Dieu t’accompagne sur ton chemin ».

  • Faire ensemble tout ce qui est possible. Ne pas être d’accord sur les prescriptions du judaïsme n’empêche pas de s’occuper ensemble des pauvres.

Ce passage propose un chemin pour les relations entre les Églises :

  • Éclaircir les différences pour repérer celles qui sont irréductibles.

  • Honorer ces différences tout en appelant la bénédiction de Dieu sur les autres Églises.

Faire ensemble tout ce qu’on n’est pas obligé de faire séparément, notamment l’action sociale.

Merci à Jane-Marie Nussbaumer pour la retranscription de la vidéo.




Comment réagis-tu à cette vidéo ?

  • Plutôt d'accord ? Pourquoi ? Essaie de formuler 2 raisons.

  • Plutôt pas d'accord ? Pourquoi ? Essaie de formuler 2 raisons.





















(Re-)découvrir le Sermon sur la Montagne depuis son salon

En période de pandémie, il est difficile de se projeter et d’envisager des déplacements ainsi que des rencontres avec de grands groupes. Le FREE COLLEGE et le Centre de formation proposent d’approfondir un texte qui est au centre de l'enseignement de Jésus depuis son fauteuil, une tasse de thé à la main.

Une occasion unique de découvrir Jésus dans une autre perspective!

Orateur

Claude Baecher, ancien pasteur des Églises mennonites et de la FREE et spécialiste de la question.

Quand

Tous les mercredi soirs à 20h15 du 2 janvier au 26 mai 2021.

Lieu

Depuis chez vous, sur Zoom.

Support matériel

Claude Baecher participera à la soirée en tant que consultant.

Prix

La participation à ces animations bibliques est gratuite, mais une inscription est nécessaire pour obtenir le lien à la connexion ZOOM. Ces soirées seront animées conjointement par Serge Carrel, journaliste, et par un pasteur d’une des Églises partenaires.


Le sermon_pavé.jpg

Programme

1.      6 janvier : « Introduction au Sermon sur la montagne » (Mt 4.23-5.2)

2.      13 janvier : « Heureux ! » (les Béatitudes) (Mt 5.3-12)

3.      20 janvier : « Sel et lumière » (Mt 5.13.16)

4.      27 janvier : « Jésus et la loi » (Mt 5.17-20)

5.      3 février : « Priorité à la réconciliation » (Mt 5.21-26)

6.      10 février : « Pour des relations saines entre hommes et femmes » (Mt 5.27-32)

7.      17 février : « Parler sans tromper » (Mt 5.33-37)

8.      3 mars : « Comment faire face à la malveillance » (Mt 5.38-42)

9.      10 mars : « La spiritualité du Royaume » (L’amour de l’ennemi) (Mt 5.43-48)

10.   17 mars : « Une spiritualité centrée sur Jésus ou sur soi-même » (Mt 6.1-6 et 16-18)

11.   24 mars : « L’antidote à la prière païenne : le Notre Père » (Mt 6.7-15)

12.   31 mars : « Une manière révélatrice d’engager ses biens » (Mt 6.19-24)

13.   21 avril : « La peur de manquer et le Royaume de Dieu » (Mt 6.25-34)

14.   28 avril : « Contre le moralisme dévastateur » (Mt 7.1-5)

15.   5 mai : « Pas de contrainte, mais confiance en Dieu » (Mt 7.6-11)

16.   12 mai : « Contre les interprétations égoïstes et la course à la réussite » (Mt 7.12-14)

17.   19 mai : « Contre la boulimie du surnaturel et la recherche du sensationnalisme » (Mt 5.15-23)

18.   26 mai : « Contre les brasseurs d’idées justes qui en restent là » (Mt 7. 24-29)

Inscriptions et informations supplémentaires

Sur le site de la Free (lien ici).

Le sermon_ flyer_couv.jpg



Le livre de Bruxy Cavey est disponible en français!

(ré)unir_HD.jpg

En ces temps de pandémie, il fait bon se recentrer sur une bonne nouvelle… et quelle bonne nouvelle! En juin dernier, il était prévu que Bruxy Cavey vienne au Bienenberg et nous avions sollicité les éditions Farel pour la traduction en français et la publication de son dernier livre. Même si sa venue n’a pu avoir lieu pour cause de pandémie, le livre, lui, est bien paru!

Son livre: “(Ré)unir: la bonne nouvelle de Jésus-Christ pour les curieux, les saints et les pécheurs” est maintenant disponible en français!

2020-01-03_112535.jpg

« Les humains sont comme des cerfs-volants, ils aspirent à être libres et à s’envoler », souligne Bruxy Cavey dans sa préface, « seulement ils peuvent parfois terminer leur vol par un plongeon dans la boue ». Les cerfs-volants sont libres, mais ne peuvent vivre en détachement total. Ils ont besoin d’être guidés par une main experte et bienveillante, celle de Dieu. Dans son livre, « (Ré)union. La bonne nouvelle de Jésus pour les saints, les pécheurs et tous ceux qui le cherchent », Cavey invite à (re)découvrir cette relation à Dieu. Communiquer la bonne nouvelle de l’Évangile n’est pas chose facile. Jésus, et l’apôtre Paul à sa suite, ont utilisé différentes images et différentes explications pour communiquer la richesse du message d’espérance contenu dans la Bible.

Résumer la bonne nouvelle de l’Évangile

Les chrétiens ont fait beaucoup de tentatives successives pour tenter de résumer la bonne nouvelle, comme par exemple le crédo ou plus récemment les 4 lois spirituelles. Il est cependant nécessaire de se souvenir que ces résumés ne se suffisent pas à eux-mêmes et qu’ils n’ont qu’une vocation – pointer vers l’Évangile. La bonne nouvelle a besoin de différents regards et de différentes voix pour résonner dans toute sa richesse.

Les chrétiens ont de la dynamite entre les mains : leur message est celui de l’union avec Dieu. L’union avec le Seul qui puisse donner du sens et un objectif à la vie. L’Évangile parle d’acceptation, de pardon, de sens, de sécurité et rejoint les besoins humains les plus fondamentaux. Ceux qui le vivent se joignent au sillon tracé par tous ceux qui les ont précédés. Le chemin qui a été emprunté par Jésus lui-même.

L’Évangile en 1 mot

L’Évangile en un mot, c’est « Jésus ». Il est le messager et le message. Son message, qui s’adresse à tous en tout temps, a été un message incarné et présent dans un contexte. La Bible l’affirme, mais la Bible n’est qu’une fenêtre : une fenêtre à travers laquelle nous pouvons voir Jésus. Jésus est l’ultime révélation de Dieu, ce qui signifie que les chrétiens ne sont pas un « peuple du livre », mais un « peuple de la personne ». Jésus est la vérité, et l’Évangile ne peut être mieux résumé que par son nom.

L’Évangile en 3 mots

« Jésus est Seigneur », comme l’affirme la première confession de foi. Lorsque nous l’affirmons, nous indiquons notre confiance en son projet. Jésus est Seigneur, signifie qu’il est celui qui dirige notre vie ; qu’il est notre mentor, notre roi, et notre maître. Il est le filtre par lequel toutes nos interprétations de la Bible doivent être filtrées. Est-ce que ce que nous avons compris du texte est cohérent avec ce que nous connaissons, voyons et comprenons de Jésus ?

La bonne nouvelle en 30 mots

La bonne nouvelle peut aussi se résumer en 30 mots (attention prenez votre souffle) :

« Jésus est Dieu avec nous, venu pour nous montrer l’amour de Dieu, nous sauver du péché, établir le Royaume de Dieu, mettre fin à la religion, pour que nous puissions participer à la vie de Dieu. » Cette phrase n’est pas à utiliser de façon littérale dans les conversations avec ceux qui ne connaissent pas la bonne nouvelle, mais elle peut servir de repère en identifiant ses aspects principaux. Lorsque nous réfléchissons à un sujet, nous pouvons le filtrer par les catégories de l’Évangile.

La fondation est claire : Jésus est Emmanuel, Dieu avec nous.

Il a accompli 4 grâces pour le bien de son peuple et pour la gloire de Dieu :

  1. montrer l’amour de Dieu

  2. nous sauver du péché

  3. établir son Royaume

  4. mettre fin à la religion

Le but de Dieu est de partager sa vie avec nous. Son but ultime n’est pas de nous faire entrer au ciel, mais de faire entrer le ciel en nous.


(ré)unir_HD.jpg



Le livre de Bruxy Cavey existe aussi en anglais (avec un livre d’étude) et en allemand.


« Je ne lis plus ma Bible. Je la connais. »

« Je ne lis plus ma Bible. Je la connais. Il n’y a rien de nouveau pour moi. »

Ces paroles, dites récemment par une chrétienne, m’ont interpelée. C’est comme si elle me disait, « Je n’ai pas besoin de lire ce bouquin, car je connais la fin de l’histoire ».

J’ai l’impression qu’une partie des personnes de nos Églises n’a pas de contact personnel avec les Écritures en dehors du dimanche matin. Cela peut sembler paradoxal à une époque où nous disposons de nombreuses traductions de la Bible. (Le fait de posséder une Bible est relativement récent dans l’histoire du christianisme.) Par ailleurs, nous pouvons avoir avec nous en permanence plusieurs versions de la Bible dans notre Smartphone.

S’il est plus facile de lire la Bible à notre époque, pourquoi sa lecture semble-t-elle diminuer ?

Il me semble qu’Internet a induit un changement dans notre manière de lire et même de traiter l’information. Sur le web, nous sommes face à une quantité phénoménale et croissante de données. Une recherche sur Google nous donne, par exemple, plus de 800 000 résultats en 43 secondes. Et à chaque lien, à chaque clic, tout un univers d’informations s’ouvre à nous. Avec la multiplication de livres, courriels, SMS, sites Internet, revues, journaux, nous subissons une véritable surcharge d’information, « l’infobésité ».


index.jpg

Il existe une telle augmentation d’information que nous n’avons pas le temps de tout lire ni la capacité de tout assimiler. Alors, quand nous lisons un texte quelconque, nous le traversons le plus rapidement possible, souvent en diagonale. Nous le parcourons à la recherche de l’information qui nous aidera à mieux fonctionner dans notre monde. Nous sommes dans une mentalité « d’information » et « de fonctionnalité »… prenant ce qui nous sert immédiatement. Internet nous donne l’impression que le but de la lecture, c’est une accumulation de connaissances, avec la découverte de la dernière nouveauté.

Quitter le mode informatif pour apprendre à méditer la Bible

Malheureusement, nous transposons parfois cette manière de lire au texte biblique. Nous feuilletons des passages à la recherche d’un nouvel éclaircissement, d’une nouvelle information ou connaissance. Et nous arrivons à ces phrases, « Je ne lis plus ma Bible. Je la connais. Il n’y a rien de nouveau pour moi »… comme si le but de la lecture biblique était uniquement la connaissance intellectuelle.

Prenons un exemple : Nous pouvons connaître Jean 3.16 et comprendre le sens des mots et l’idée de ce verset. Mais saisissons-nous vraiment au fond de nous, combien Dieu aime le monde ? Sommes-nous pénétrés par la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur de son amour pour le monde ? Ceci est plus que la compréhension intellectuelle des mots. Il s’agit d’une intériorisation, d’une pénétration de plus en plus profonde de la Parole en nous. Il s’agit d’écouter Dieu au travers de sa Parole et de se laisser transformer par cette Parole.

Lire les textes bibliques avec une mentalité d’information et de fonctionnalité, comme un texte sur Internet, c’est confondre connaissance intellectuelle et transformation de la vie. C’est confondre connaissance intellectuelle et connaissance du cœur dans une vraie relation avec Dieu, nourrie par une lecture méditée et priée.

Il est peut-être nécessaire, dans notre ère numérique, de réapprendre à lire… lire les Écritures de façon à mettre l’accent sur le développement de la relation avec Dieu et la transformation de la vie à sa ressemblance.

Linda Oyer.

Qu'est-ce qu'un chrétien anabaptiste?

Qu’est-ce qu’un chrétien ou une chrétienne anabaptiste? A quoi le ou la reconnaît-on?

Le livre de Palmer Becker (28 pages), disponible gratuitement en ligne, tente de répondre à cette question.

3 valeurs anabaptistes sont fondamentales:

  1. Jésus est au centre de notre foi

  2. La communauté est au centre de nos vies

  3. La réconciliation est au centre de notre mission


Cela vous parle? Ne manquez pas le test (extrait du livre) ci-dessous.

Faites le test!

Êtes-vous un.e chrétien.ne anabaptiste? Les affirmations suivantes résument-elles votre compréhension de la foi chrétienne ? Si c’est le cas, vous êtes un.e chrétien.ne ayant une perspective anabaptiste !

Jésus est au centre de ma foi.

__ Je fixe mes yeux sur Jésus, l’auteur et le perfecteur de ma foi.

__ J’interprète les Écritures avec un point de vue éthique et christocentrique.

__ Je pense que le christianisme est un discipulat, et je cherche à suivre Jésus dans ma vie quotidienne.

La communauté est au centre de ma vie.

__ Je suis convaincu.e que le pardon rend la vie communautaire possible.

__ J’étudie les Écritures avec les autres pour discerner leur application pour notre temps.

__ Je suis persuadé.e que les petits groupes sont essentiels au bon fonctionnement de l’Église.

La réconciliation est au centre de ma mission.

__ Je suis appelé.e à aider chacun à se réconcilier avec Dieu par la foi en Jésus.

__ Je suis convaincu.e que la réconciliation comprend à la fois l’évangélisation et la paix.

__ Je rejette toutes les formes d’injustice et de violence, et j’encourage les alternatives pacifiques à la guerre et à d’autres conflits


Si vous avez déjà une formation en théologie, les “Études en Théologie Anabaptiste” (EFraTA) pourraient vous permettre d’affiner une compréhension anabaptiste de la foi. A la rentrée 2020, une nouvelle année débutera sur le thème: “Le Christ dans une perspective anabaptiste”. Ne la manquez pas!


Après le confinement, pourquoi pas une retraite spirituelle en ligne ?

Ce temps de confinement et plus largement ce temps de crise sanitaire et de probable crise économique perturbent l’ordonnancement de nos jours.

  • Nous nous découvrons vulnérables.

  • Nous nous retrouvons à l’arrêt.

  • Nous sommes engagés corps et âme pour soigner ou sauver des vies.

  • Nous souffrons de la maladie ou nous souffrons aux côtés de malades

  • Nous connaissons la tristesse et le deuil.

  • Nous vivons la pression de la promiscuité.

  • Nous avons enfin du temps.

Ces situations variées ont en commun de nous contraindre à un rapport différent à ce qui fait l’ordinaire de nos vies.

Quoi que nous vivions, ce temps de déséquilibre peut être une occasion de revisiter en profondeur notre rapport à Dieu, à nous-mêmes, aux autres, aux priorités…

Comment sortirons-nous du confinement et de la crise ? Difficile à dire.

Mais peut-être qu’une retraite spirituelle sera bienvenue dans quelque temps.

  • Pour se donner du repos.

  • Pour prendre du recul et être ressourcé.

  • Pour passer en revue les émotions vécues.

  • Pour recevoir consolation et espérance.

  • Pour faire le point sur son mode de vie.

  • Pour célébrer le don de Dieu.

Si vous portez en vous de telles aspirations, la retraite spirituelle proposée par le Bienenberg au mois de juillet offre une bonne occasion pour vivre un temps particulier devant Dieu et avec Dieu. En raison de la crise sanitaire, elle est proposée en ligne (par Internet) cette année, pour la première fois.

Après le confinement subi, voici la retraite spirituelle choisie !

 


Retraite spirituelle « (Re)Trouver Dieu dans ma vie et avancer avec lui », du 4 au 10 juillet 2020, avec Madeleine Bähler, Claire-Lise Meissner, Jane-Marie Nussbaumer, Sabine Schmitt, Michel Sommer.

Infos et inscriptions : https://fr.bienenberg.ch/sem/retraite-spirituelle

Élargir notre coeur et notre manière de penser pour être témoin aujourd'hui

Le Dieu de la Bible est un Dieu missionnaire qui ne reste pas indifférent face à la rupture entre Lui et sa création, et notamment l’humanité. Depuis Éden où il cherche l’homme et la femme qui se cachent, jusqu’à l’Église qu’Il envoie en mission tout au long des siècles, Dieu est à l’œuvre, habité par le désir de guérir et de se réconcilier avec les humains.

L’Église missionnaire est d’abord celle qui entre dans le désir et le projet de Dieu pour l’humanité. Nous avons besoin de méditer et d’entrer dans la profondeur de l’amour et de la compassion de Dieu pour toute l’humanité y compris pour ses ennemis. Si nous ne sommes pas nourris et interpellés par cet amour, notre détermination et notre ouverture restent faibles, face au défi que représente la mission.

Recevoir et transmettre

Être nourris par l’amour de Dieu consiste à accueillir toujours à nouveau sa bonté d’abord pour nous ! Être remplis de l’amour de Dieu renouvelle notre motivation, comme l’apôtre Paul en témoigne pour lui en 2Co 5,14-15. Recevoir et transmettre l’amour de Dieu va au-delà de nos sentiments naturels, de nos sympathies, de nos affinités. Cela demande un travail de l’Esprit qui ne se fait pas sans notre assentiment, et même notre désir.

La peur, une résistance majeure

Car ce n’est pas toujours si facile d’aller à la rencontre de ceux qui nous entourent et de leur témoigner de notre foi. Même engagés à la suite de Jésus, nous faisons l’expérience de résistances en nous. Nous n’avons pas tous les mêmes et nous ne les vivons pas tous de la même manière.

Il y a la peur, bien sûr. Peur de l’autre, de l’inconnu, du différent.

Une des tendances de notre époque est au repli sur soi, sur sa famille, ses amis, voire son Église. Les médias nous dépeignent un monde dangereux. On observe des crispations identitaires et une méfiance grandissante envers ceux qui sont différents de nous, notamment les immigrés. La peur de l’étranger, qu’il vienne chez nous ou que nous soyons chez lui n’est pas une réalité nouvelle : à deux reprises, le livre de la Genèse (ch. 12 et 20) nous montre Abraham, craintif dans les territoires étrangers, qui fait passer sa femme pour sa sœur, car il a peur qu’on le tue pour la lui prendre. En Genèse 20, Abraham est obligé d’avouer ses préjugés face à Abimélek.

Le livre des Actes se fait l’écho de la profonde résistance de l’Église de Jérusalem à témoigner de l’Évangile de Jésus-Christ à des non-juifs. L’évangélisation des Samaritains commence avec le ministère de Philippe, lui-même loin de Jérusalem non de son propre choix, mais chassé par la persécution qui suivit la mort d’Étienne.

L’évangélisation des païens se fait par l’intermédiaire de Pierre, mais avant que Pierre accepte d’envisager la possibilité d’entrer chez un païen, Corneille, il en a fallu des miracles : visions, voix du ciel, Saint-Esprit qui parle à l’apôtre. Progressivement, Pierre évolue : « Dieu m’a montré qu’il ne fallait dire d’aucun homme qu’il est souillé ou impur » (Act 10,28) ; « En vérité, je comprends que Dieu n’est pas partial, mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice est agréé de lui (10,34).

Parallèlement, et toujours suite à la persécution suite à la mort d’Étienne, des croyants en fuite arrivent à Antioche en ne disant « la Parole à personne qu’aux juifs ». Mais quelques-uns parlent aussi à des païens et beaucoup de convertissent.

Élargir nos cœurs et nos manières de penser

Dieu, dans son désir que l’Évangile se propage partout, a contourné l’Église institutionnelle pour que l’Évangile aille aussi vers les non-juifs. Il a obligé L’Église à s’ouvrir, à dépasser les préjugés culturels, raciaux, etc.

Être témoin aujourd’hui nous demande aussi d’élargir nos cœurs et notre manière de penser pour aller vers les autres.

  • Laisserons-nous l’amour de Dieu nous travailler, laisserons-nous le Saint-Esprit faire son œuvre en nous ?

  • Qui sait jusqu’où cela nous conduira ?


Merci à Pascal Keller pour cet article qui nous invite à entrer pleinement dans la mission de Dieu.


Prochaine session FBSE les 20-21 mars 2020 sur le thème:

Être en mission et évangéliser selon la Bible et dans le contexte actuel
Denis Kennel (5 h), Jean-Pierre Magréault (2 h) et David Prigent (2 h)

Découvrez le nouveau programme 2020-2021 en cliquant sur l’image ci-dessous. Il est possible de s’inscrire au premier week-end de l’année pour goûter au programme avant de s’engager sur une année.

Des lunettes anabaptistes pour lire la Bible?

Quelles sont, en matière d’interprétation biblique, les spécificités d’une approche anabaptiste ? Ou bien : existe-t-il des lunettes anabaptistes pour lire la Bible ?

Répondre à cette question n’est pas si simple. En effet, si on s’en réfère aux étapes « classiques » de l’interprétation biblique – observer le texte, l’expliquer en tenant compte de son contexte historique et littéraire, de son genre littéraire, à la lumière des autres textes bibliques s’y rapportant, etc. –, on pourrait être tenté de conclure qu’une lecture anabaptiste ne diffère guère, puisqu’elle intègre les mêmes éléments. C’est vrai. Cependant, elle comprend aussi certaines particularités qui méritent d’être relevées, car elles confèrent l’une ou l’autre couleur à ses lunettes.

Des précisions en Christ

            « Je ne suis pas venu pour abolir [la Loi], mais pour [l’]accomplir », a dit Jésus (Mt 5.17). Il indiquait en cela que si la première alliance gardait son importance, il n’y en avait pas moins avec et par lui des choses qui s’étaient précisées, développées, qui étaient arrivées à maturité (le sens du terme « accomplir »). C’est à partir de là qu’une lecture anabaptiste de la Bible insiste particulièrement sur trois aspects :

  1. il y a matière à parler d’un « canon dans le canon »

  2. la Bible doit être interprétée de manière « christocentrique » et

  3. en tant que révélation progressive, c’est-à-dire en tenant compte de sa « trajectoire rédemptrice ». Les expressions sont un peu complexes, nous allons les expliciter.

Un canon dans le canon

Par « canon dans le canon », on comprend (dans une perspective anabaptiste) que les Évangiles, qui relatent la vie, l’œuvre et l’enseignement de Jésus, jouent un rôle central dans toute interprétation. Ce ne sont pas uniquement le sacrifice à la croix et la résurrection du Christ qui comptent, aussi importants soient-ils, mais encore son exemple, sa vie, ses actions, ses paroles, ses attitudes, etc. Le Christ des Évangiles, « tout » le Christ, révèle le cœur et le projet de Dieu pour l’humanité. C’est pourquoi non seulement l’Ancien Testament doit être lu et interprété à la lumière du Nouveau, mais encore, dans ce Nouveau, les Évangiles forment la référence ultime. De là découle le deuxième aspect.

Interprétation christocentrique

La Bible doit être interprétée de manière « christocentrique ». La pointe ici est l’affirmation selon laquelle l’interprétation la plus juste d’un texte est celle qui se réfère de la manière la plus évidente à la mémoire de Jésus le Seigneur. Christ est la révélation parfaite de Dieu. Toute interprétation d’un texte se doit donc être en cohérence avec sa personne, sa vie, son enseignement, son œuvre. Le Sermon sur la montagne (Mt 5-7) occupe ici une place particulière. C’est pourquoi, par exemple, parce qu’une telle lecture s’opposerait à l’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis (Mt 5.44), il ne saurait en aucun cas être juste de légitimer le recours à la violence à partir de certains textes de l’Ancien voire du Nouveau Testament. Nous en arrivons au troisième aspect.

En fonction de la trajectoire rédemptrice - Shalom

La Bible doit être interprétée en tenant compte de sa « trajectoire rédemptrice ». Le Christ est venu instaurer son Royaume, en poser les fondements. Mais ce Royaume ne sera jusqu’à son retour toujours qu’en cours de réalisation. Le plein accomplissement est encore à venir. Le projet du Royaume se résume en un mot : le Shalom, état de bien-être, santé, abondance, sécurité, etc., tel que celui-ci peut exister lorsque les humains vivent dans des relations justes vis-à-vis de Dieu, les uns vis-à-vis des autres, et vis-à-vis de la création. La trajectoire qui se dessine, pour conduire à la réalisation de ce Shalom dans l’histoire humaine, intègre une justice divine visant en premier lieu la restauration des relations, la réconciliation. C’est-à-dire une justice qui, si elle n’exclut pas de « réparer » lorsque c’est possible, reste toujours au service de la paix et de la guérison (la justice « supérieure à celle des scribes et des pharisiens » dont parlait Jésus, cf. Mt 5.20). Concernant l’interprétation biblique, cette « trajectoire rédemptrice » devient le guide pour lire les textes le plus justement possible : on ne peut tirer d’un passage une application qui ne s’inscrirait pas voire serait contraire à l’accomplissement visé, à savoir la réalisation (dès maintenant et encore à venir) du Shalom dans toutes ses dimensions. 

La communauté

À ces trois aspects s’ajoutent encore, dans une lecture anabaptiste, deux insistances particulières. L’importance, d’abord, de la communauté. Pour les anabaptistes, le fait d’être membre d’un corps, le corps de Christ, concerne aussi la manière d’interpréter la Bible et de l’appliquer.

Sous la direction du Saint-Esprit, nous avons besoin les uns des autres pour tester nos compréhensions, les vérifier, peut-être les corriger, recevoir d’autres éclairages.

Cette interprétation communautaire se vit à différents niveaux, de l’Église locale à la communion de l’Église mondiale et dans l’histoire. Surtout, elle forme un cadre – un garde-fou – pour l’interprétation personnelle. L’application, ensuite. Le processus d’étude de la Parole a pour but de nous aider à être (plus) fidèles à Jésus, à lui ressembler toujours davantage tel qu’il s’est révélé et dans la perspective de la réalisation de son Shalom. Ainsi, disent les anabaptistes, les applications que nous tirons de nos interprétations sont autant de critères pour juger de la justesse de celles-ci. En d’autres termes : si notre ou nos interprétations conduisent à des attitudes qui ne manifestent pas ou moins la justice et le Shalom du Royaume, c’est qu’elles ne sont a priori pas justes.

Conclusion

Alors, avec ce que nous avons vu, existe-t-il des lunettes anabaptistes pour lire la Bible ? Oui, sans aucun doute, même si leur couleur se retrouve assurément au moins en partie aussi dans d’autres traditions. Cependant, par les accents qu’elles mettent en avant, ces lunettes méritent entièrement d’avoir leur place dans la grande famille des « opticiens bibliques ».


Avez-vous déjà entendu parler des Études Francophones de Théologie Anabaptiste? L’année actuellement en cours porte sur la Bible dans une perspective anabaptiste et décline ces idées de multiples manières.

Bruxy Cavey, l'interview

Interview avec Bruxy Cavey, orateur des journées d’étude du 19 au 21 juin 2020 au Bienenberg sur le thème « Un message à faire passer – Et si la Bonne Nouvelle était meilleure que tu ne penses ? »

  • Ton Église, The Meeting House au Canada, se présente comme “une Église pour ceux et celles qui ne vont pas à l’église”. Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment cela se traduit-il concrètement ? En quoi est-ce différent des autres Églises ?

À The Meeting House, nous nous considérons comme une communauté en mission, ensemble. Ce slogan (“ Une Église pour ceux et celles qui ne vont pas à l’église”) exprime ce qui est notre visée : faire de la place aux personnes spirituellement curieuses, qui viennent et qui ont des questions. Nous ne sommes pas simplement ouverts aux questions : nous les encourageons, par exemple par des temps de “questions-réponses” le dimanche après la prédication ou par des discussions en semaine sur la prédication du dimanche, discussions qui ont lieu dans les maisons (ce que nous appelons des “Églises à la maison”).

  • Quand vous avez lancé votre Église, qu’est-ce qui était important pour vous ? Et dans quelle direction les choses ont-elles évolué au cours des années ?

Ce qui nous motivait était d’apprendre à communiquer la bonne nouvelle de Jésus dans notre culture. Nous nous voyons comme des apprentis à vie dans ce domaine, car notre culture change constamment et parce qu’il y a toujours plus à découvrir sur Jésus.

  • Votre Église se situe dans la tradition anabaptiste : quels aspects de cette tradition sont importants pour vous et où vous en séparez-vous pour aller dans d’autres directions ?

Nous sommes touchés et encouragés par la centralité radicale de Jésus dans la tradition anabaptiste. L’anabaptisme n’est pas juste un mouvement pour la paix, un mouvement pour la simplicité ou un mouvement en faveur de la compassion.

Nous nous soucions de la paix, de la simplicité et de la compassion parce nous sommes un mouvement de Jésus, et Jésus nous conduit sur le chemin de la paix, de la simplicité et de la compassion. En tant qu’anabaptistes, nous ouvrons nos Bibles pour rencontrer Jésus. Et Jésus nous montre comment lire nos Bibles, du début à la fin.

En Amérique du Nord, certaines formes d’anabaptisme sont devenues, de manière compréhensible certes, séparatistes et légalistes. Nous nous en repentons. Nous voulons proposer au monde autour de nous et au reste du corps du Christ la bonne nouvelle de Jésus et de son Royaume.

  • « Jesus Collective » est un nouveau projet : de quoi s’agit-il ?

The Meeting House a été contacté par des centaines de pasteurs et de responsables d’Églises du monde entier ; ils nous racontent comment Dieu fait bouger les choses en eux, parce qu’attirés par la centralité renouvelée de Jésus au cœur de leur foi. Ces responsables sont à la recherche de responsables de même sensibilité pour réfléchir à des questions, trouver des encouragements et développer des compétences. Nous espérons que le projet “Jesus Collective” pourra aider à rassembler ces personnes et les équiper pour une pensée et une vie centrées sur Jésus.

  • En tant qu’Église, comment partagez-vous concrètement la Bonne Nouvelle auprès de personnes ayant peu à voir avec l’Église ou rien du tout ?

Nous commençons par Jésus. Et nous commençons par Jésus comme enseignant. Jésus n’a jamais repoussé ni rejeté les personnes qui se sont approchées de lui en tant qu’enseignant. Jésus s’est lui-même présenté, entre autres, comme “le maître”, l’enseignant (cf. Mc 14.14). Beaucoup de non-chrétiens sont prêts à faire ce premier pas par rapport à Jésus, comme un enseignant qui mérite d’être écouté. Nous aidons les gens à être dans une attitude d’apprentissage avec Jésus. Ensuite, Jésus lui-même peut leur enseigner qu’il est davantage qu’un enseignant.

  • « Jésus comme enseignant » : comme cela se concrétise-t-il dans la vie de votre Église ? Allez-vous dans la rue pour parler de votre foi à des inconnus ou organisez-vous de grands événements d’évangélisation ?

Cette approche s’exprime par la manière dont nous équipons nos membres à entrer en conversation avec leurs amis ou leur famille. Cette approche est aussi reprise dans notre cours (Ré)-Union, qui peut être suivi en groupe ou à deux, avec un ami ou une amie.

Même si j’ai fait pendant des années de l’évangélisation de rue ou du porte-à-porte, nous n’utilisons pas vraiment ces méthodes aujourd’hui à The Meeting House.

 

 

Avec quelles lunettes lisons-nous la Bible?

La Bible est claire, disons-nous. Toutefois pour la lire et l’interpréter nous y posons notre propre regard. Que se passe-t-il alors ?

Le voyage du texte biblique

Le texte biblique a fait un incroyable voyage en traversant des millénaires à travers l’histoire humaine. Après les faits historiques de l’action de Dieu, les auteurs bibliques ont retranscrit dans leurs mots et dans leurs styles, inspirés par l’Esprit, la manière toute particulière dont Dieu est venu rencontrer l’humanité. À travers les textes, ils racontent ce que Dieu a dit et la manière dont il a agi en interaction avec les humains de son temps.

Un voyage dans le temps

La première difficulté à laquelle se heurte le lecteur ou la lectrice dans l’interprétation de la Bible est la distance fondamentale entre son monde et celui des auteurs bibliques. Le monde était bien différent à l’époque des prophètes, de Jésus et des apôtres, de ce qu’il est aujourd’hui. Les cultures des temps bibliques ressemblaient bien plus à celles du Moyen-Orient qu’aux cultures occidentales contemporaines. À force d’étude, cette distance peut être réduite, et le lecteur peut s’approcher davantage du texte et goûter à ses subtilités.

Un regard situé

Pourtant, même dans cette proximité, le regard du lecteur reste humblement situé, teinté, limité. Il ne peut revendiquer un regard absolu sur le texte tant il est façonné par ce qu’il est et le monde qui l’environne. En effet, son regard est l’intermédiaire entre le texte et l’expérience de la foi, entre le témoignage ancien rapporté dans l’Écriture et le témoignage actuel – c’est-à-dire la manière dont il devient Parole de Dieu pour aujourd’hui.

Les lunettes avec lesquelles nous lisons la Bible

Le regard de l’interprète de la Bible est situé et teinté de multiples façons. Il porte des lunettes colorées par sa culture familiale et nationale, par sa tradition d’Église, par son sexe et la manière dont cela a forgé sa vision du monde, par sa personnalité qui lui fait relever certains thèmes plus que d’autres, par ses expériences et les convictions qui en découlent, par les questions qui le taraudent et pour lesquelles il cherche une réponse dans le texte, par son environnement, par ses luttes et par ses présupposés.

Au mieux, il porte des lunettes colorées qui ne l’empêchent pas d’accéder au sens du texte, bien que son regard soit partiel parce que coloré. Au pire, il porte des lunettes qui déforment le regard et qui l’empêche de saisir ce qui est écrit. Comment par exemple, laisser résonner la pertinence de l’interpellation du Nouveau Testament sur le rapport aux biens, quand le lecteur contemporain ne peut s’imaginer un monde hors du capitalisme ? Comment penser la dignité de la personne humaine dans un univers où le fonctionnement sociétal est basé sur le principe de l’esclavage des uns vis-à-vis des autres ?

Le regard porte la marque de tout ce qui catéchise l’interprète au quotidien et l’instruit dans son rapport au monde. Il porte la marque de la grâce, mais aussi celle du péché. Bien malgré lui, le regard occidental est teinté de consumérisme, d’individualisme, et des idéologies de son temps. Ces idéologies, dont le lecteur ne peut être dépouillé tant elles le façonnent le plus clair de son temps, peuvent avoir le mérite d’interroger le texte d’une manière nouvelle. Elles sont alors une couleur dont il est bon que l’interprète ait conscience. Les croyances ambiantes doivent être évaluées dans leur contenu – leurs forces et leurs faiblesses – et mises en dialogue avec l’exemple de Jésus et l’histoire du peuple de Dieu. Cependant, ces valeurs, souvent non-formulées, limitent bien souvent le regard et empêchent l’interprète de poser des questions pertinentes au texte.

Si toute lecture est située, comment donc s’assurer d’avoir une compréhension riche de ce que l’Esprit veut dire et montrer à travers l’Écriture ? Grâce à Dieu, le corps de Christ est multiple ; il brille de diversité. Le lecteur et interprète de la Bible fait partie d’une communauté de lecteurs et de lectrices qui ensemble, avec leurs différentes lunettes, peuvent rendre au texte toute sa richesse. Quand les regards partiels se croisent, il est possible de mieux discerner le sens d’un texte.

Croiser les regards

Durant les 2000 années d’histoire de l’Église, la Bible a été interprétée par un regard relativement monolithique : elle l’a été par des hommes blancs occidentaux et économiquement favorisés. L’observation de toute bibliothèque de théologie confirme le constat.

Pourtant, si l’on prend au sérieux le fait que Dieu s’adresse, par sa Parole, à son peuple dans son ensemble, il devient évident que d’autres voix doivent être prises en compte. D’autres regards situés permettent de saisir ce que Dieu veut dire à son Église et discerner une parole plurielle pour aujourd’hui. À celles des hommes blancs occidentaux économiquement favorisés, il est essentiel d’adjoindre celles des femmes qui représentent la moitié de l’humanité, ainsi que celles issues d’autres cultures et de personnes économiquement défavorisées. La pluralité des regards est indispensable au discernement d’une parole pour une Église multiple, pour un monde multiple.Je suis toujours à nouveau étonnée quand j’entends la manière particulière dont le texte résonne dans la vie de ceux qui vivent dans un autre monde que le mien:

  • Dans le regard d’un prisonnier ou d’une esclave, les paroles de libération de Jésus résonnent d’une profondeur incroyable. Leurs voix ouvrent de nouveaux possibles et mettent l’Église en marche.

  • Dans le regard d’une femme d’origine musulmane, l’histoire de Sarah et d’Agar retentit différemment. Elle ouvre la possibilité d’une voix pour les oubliés et les méprisés de l’histoire.

  • Dans les mots d’un pauvre, le partage des biens dans les Actes crée une espérance nouvelle. Sa voix interpelle les riches dans le concret de la vie.

  • Dans le regard d’un jeune enfant qui a subi l’exploitation humaine dans les mines de cobalt, la question de la justice et du péché prend une couleur moins conceptuelle. Le jugement de Dieu prend une autre couleur. Il devient bonne nouvelle pour le monde.

L’Église a besoin de ces différents regards pour discerner avec sagesse la parole de Dieu pour aujourd’hui. Elle a besoin de ces différentes lunettes pour élargir sa vision de ce que Dieu a fait et de ce qu’il veut encore faire aujourd’hui. Ces regards font remonter à la surface des profondeurs inexplorées du texte. Des lectures situées autres que celles avec lesquelles nous ronronnons permettent non seulement une addition de regards, mais aussi une transformation du regard de tous.

A la question de savoir si le fait qu’il y ait plusieurs prédicateurs assure une multiplicité de regard, je réponds: Existe-t-il une diversité parmi vous? Une diversité de spiritualité? Une diversité culturelle? Une diversité de genre? Une diversité économique? Alors oui, vos regards se complètent et enrichissent la manière dont la Parole résonne.

Que le Saint-Esprit nous guide ensemble, nous, corps du Christ, toujours davantage à la suite de Jésus. Prions pour que l’Esprit nous donne, ensemble, son regard pour que nous puissions puiser abondamment dans les richesses de l’Écriture. Par grâce, sa Parole nous parle encore aujourd’hui. Malgré la distance, nous pouvons l’habiter ensemble, à la suite du Christ.


Article paru dans Bienenberg Magazine 2019 disponible en téléchargement ici.

L'Église, à quoi bon? Récit d'une journée en Suisse

À la Chaux-d’Abel le 1er septembre 2019, toutes les communautés mennonites francophones étaient représentées pour la première édition des “Dimanches de Formation de la Pastorale Mennonite Romande” (PMR). Beaucoup ont choisi de ne pas organiser de culte dans leurs locaux afin d’encourager les membres à participer à cette journée sur le sous-thème « L’Église, à quoi bon ? ».

Pourquoi l’Église?

Le matin, on se demande « pourquoi l’Église ? ».

Des éléments de réponse sont donnés pendant le culte dans la parole de Marie-Noëlle Yoder adressée particulièrement aux enfants ; au travers des chants - dont l’un affirme que bien que de couleurs différentes, nous sommes les enfants d’un Père dont l’amour emplit nos cœurs, et fait de nous des frères et sœurs - et bien sûr dans les interventions de Michel Sommer et Denis Kennel.

Michel Sommer pose le cadre général : « Shalom (paix, justice, bien-être), le projet de Dieu pour le monde ».

  • Shalom entre Dieu et l’humanité

  • Shalom entre les humains, à l’intérieur de l’humain, avec le monde créé.

C’est dans ce projet, révélé dans la Bible entière et pour lequel Dieu choisit de recourir à l’être humain plutôt que d’agir seul que l’Église a un rôle à jouer.

Denis Kennel précise en expliquant que l’Église est à la fois manifestation du Shalom et aussi un moyen de sa réalisation en ce qu’elle regroupe des hommes et des femmes qui, malgré leurs différences, apprennent à vivre ensemble, réconciliés les un-e-s avec les autres par le Christ, dont l’œuvre à la croix nous rappelle que nous sommes toutes et tous et en tout égaux devant Dieu.

Et Denis Kennel le souligne, le monde croira à notre discours du Shalom de Dieu si nous pouvons lui présenter des lieux qui montrent que ce que l’on dit de Jésus et du Shalom est vrai et vaut la peine d’être vécu, « parce que ce qui se vit dans l’Église atteste la véracité de ce qui est proclamé ».

Un programme pour les enfants

Les enfants n’ont pas chômé pendant le culte : alors que les plus âgés unissent leurs forces pour lutter contre la progression d’une épidémie dans le monde, les plus jeunes peignent une toile représentant l’Église : pleine de couleurs et de formes différentes. Et lorsque l’animateur propose de laisser un angle blanc pour symboliser qu’il y a toujours de la place pour de nouvelles couleurs dans l’Église, une jeune fille préfère interpréter cet espace comme étant une porte « parce qu’il faut que les gens puissent entrer et sortir de l’Église ». Parole de sagesse.

 Un repas convivial

Ça passe vite quand on s’amuse, c’est déjà l’heure de se retrouver pour le repas. Dans un grand garage aménagé pour l’occasion, un buffet se met en place, chacun-e y déposant ce qu’il/elle a préparé. On partage, on discute, on se donne des nouvelles, on prend le temps.

Pour quoi l’Église? Une après-midi interactive

Mais pas trop quand même. L’après-midi, c’est approfondissement. Le thème « pour quoi l’Église », notez la nuance de formulation, est abordé dans une dimension interne, d’abord. En petit groupe, on répond à une des sept questions proposées comme:

  • Quelles sont les trois raisons principales qui me poussent à me lever le dimanche matin pour aller au culte ?

  • comment Dieu construit-il la foi des chrétiens à travers le culte ?

Après une pause, on poursuit avec la dimension externe. Hansueli Gerber introduit un autre temps d’échange en petit groupe en interpellant l’assemblée sur les critiques formulées par celles et ceux qui ne fréquentent pas l'Église. Les petits groupes sont l’occasion d’échanger au sujet de ce qui a été entendu et de se questionner entre autre sur:

  • Qu’est-ce qui me préoccupe par rapport à l’image et au rôle de l’Église/des églises dans la société/le monde

  • Que deviendrait notre société s’il n’y avait pas d’Église?

Pendant ce temps, les enfants sont pris en charge par deux animateurs au grand cœur qui leur ont concocté un programme amusant et édifiant.

La journée se termine par un temps d’envoi et bien sûr, une collation.

Une autre journée en perspective

Au terme de cette journée, plusieurs regrettent que pas davantage de personnes aient entendu ce qui a été dit ou participé à la réflexion. Ce sera pour la prochaine fois ! La PMR et le Bienenberg vous donnent rendez-vous en septembre 2020, à Bassecourt, pour une deuxième édition, sur un autre sous-thème d’une grande réflexion sur le sens de l’Église.

Compte-rendu de Valentin Dos Santos